Tout le monde a écouté le chef du gouvernement, le 19 avril 2020, au sujet de l’affaire des masques de protection contre le coronavirus. Mais, pour se faire vraiment une idée de l’affaire, il est peut-être bon de répondre à certaines questions.
Certes, le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a cru bon, le 19 avril 2020, lors de son interview télévisée, de défendre crânement son ministre de l’Industrie dans ce qu’on pourrait appeler l’affaire des masques de protection contre le coronavirus.
Certes, la Tunisie est en situation de guerre. Rien n’interdit –loin s’en faut- à un responsable en pareil cas d’être diligent et réactif. Et surtout de penser à la santé des Tunisiens qui évidement prime.
Cela ne peut empêcher toutefois de revenir sur cette affaire pour tout un chacun et de poser quelques questions. Car, quelques points méritent, malgré tout, toute notre attention. Avec la précision suivante: il ne s’agit pas d’accuser quiconque dans cette affaire.
Encore moins de parler d’une affaire de corruption. Un dossier a été déposé, cela dit, devant la justice par l’Instance nationale de Lutte contre la Corruption (INLUCC). C’est donc à la justice de se prononcer sur cette affaire d’acquisition de masques de protection réutilisables.
Une organisation partenaire
Précisons, d’abord, que le Décret n° 2014-1039 du 13 mars 2014, portant réglementation des marchés publics autorise, dans son article 46, « les marchés conclus par voie de négociation directe »; et ce « dans les cas d’urgence impérieuse qui correspondent à des circonstances naturelles difficilement prévisibles ». Le ministère de l’industrie semble vouloir défendre cet argument.
Arrêtons-nous donc pour demander réponse à ces questions :
- Peut-on imaginer que le ministre en charge de l’Industrie ne connaisse pas un député? Un député qui est, de surcroît, Vice-président de la Fédération du textile de l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA); une organisation partenaire?
- Le député ne sait-il pas qu’il ne peut conclure de marché avec le service public comme le prévoit l’article 25 du Règlement intérieur de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP)? Pensait-il agir cependant en tant qu’industriel? Ce qui ne lui fait pas du tout sans doute perdre sa casquette de député.
- Certes, la loi autorise « les marchés conclus par voie de négociation directe ». Mais cela veut-il dire que l’article 6 du Décret n° 2014-1039 du 13 mars 2014 ne soit pas respecté: concurrence, égalité des chances entre les opérateurs, transparence, bonne gouvernance, … ? Pourquoi le ministre de l’Industrie, qui dispose sous la main d’une liste des industriels du secteur concerné, n’a-t-il pas élargi la consultation et la liste des fabricants pour ces deux millions de masques?
- La somme qui devait être dépensée par le marché en question (2 millions de masques) n’appelle-elle pas de prendre, malgré tout, des précautions même s’il s’agit de « circonstances naturelles difficilement prévisibles »?
Circulez, il n’y a plus rien à voir!
Des questions dont l’opinion s’est emparée, en faisant une affaire– il suffit d’aller sur les réseaux sociaux pour l’observer- et qui cherche réponse! Car, Elyes Fakhfakh n’a pas convaincu totalement sur ce chapitre. On peut dire dans ce cas d’espèce: circulez, il n’y a plus rien à voir!
Il faudrait peut-être dire pour conclure qu’il ne faut pas être un habitué des arcanes des marchés publics pour poser ces questions et faire ces réflexions! Un ancien secrétaire général d’un parti ouvrier en France, connu pour son sens de la répartie, avait l’habitude de dire qu’ « il ne fallait pas sortir de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), une institution formant l’élite bien-pensante, pour pouvoir comprendre cela ».