Avec le contexte économique morose et les conséquences du confinement, les opérateurs économiques tirent la langue. Deux mois d’inactivité pour les entreprises, grandes ou petites, sont une vraie catastrophe sur tous les plans. La situation sociale est de plus en plus fragilisée. Alors quel rôle jouera l’Etat dans tout cela?
En effet, l’Etat a dû mobiliser toutes ses capacités financières et technologiques. Et ce, pour assurer des transferts sociaux aux catégories les plus vulnérables. Le problème est que la population qui a besoin d’aide est beaucoup plus large que prévu. A titre individuel, les 200 dinars peuvent être considérés comme un montant dérisoire qui ne permet aucun luxe. Néanmoins, en termes de volume total, c’est loin d’être une petite somme pour le Gouvernement.
Avril et mai, deux mois cruciaux en matière de recettes de l’Etat
Si l’efficacité des mesures prises par le Gouvernement au profit des entreprises a été mise en doute par plusieurs intervenants économiques. Pourtant, le coût est exorbitant pour une économie de notre taille.
Ainsi, aujourd’hui, il faut comprendre que l’Etat n’est pas un puits sans fond pour distribuer de l’argent, ni par hélicoptère ni par n’importe quel autre moyen. D’ailleurs, en l’absence du financement accordé par le FMI, le pays aurait des difficultés sérieuses pour clôturer le second trimestre de l’année.
Car, la récupération des trop-perçus fiscaux dans un délai d’un mois, le report des échéances fiscales et sociales, ainsi que la suspension des opérations de contrôle fiscal et des délais de recours vont priver l’Etat de ressources importantes.
D’ailleurs, pour mieux quantifier cet effort, il suffit de jeter un coup d’œil sur les recettes de l’Etat durant les mois d’avril et mai des années précédentes: 7,739 milliards de dinars en 2019 et 5,713 milliards de dinars en 2018. Ces deux mois pèsent plus de 18% dans les recettes annuelles. Le plus inquiétant c’est qu’il s’agit de deux mois où les recettes propres couvrent l’essentiel des dépenses grâce à une série d’échéances fiscales.
Un souci loin d’être ponctuel
La chute des recettes de l’Etat ne concerne pas seulement quelques mois. Quatre principaux problèmes se dressent.
Le premier c’est que rien ne garantit que ces encaissements reportés aient effectivement lieu plus tard. Si la société consomme sa trésorerie pour payer ses salaires et ses différentes charges opérationnelles, comment va-t-elle pouvoir honorer à ses engagements en matière fiscale à partir du mois de juin ? C’est une situation qui sera généralisée si l’activité ne redémarre pas.
Le second est que cela ne concerne pas que les sociétés. Même l’IRPP sera touché avec la baisse de certains salaires ou la destruction d’emplois. Cette rubrique du budget était la plus facile à récupérer. Elle constitue la principale source de recettes fiscales. Et ce, avec 8,813 milliards de dinars encaissés en 2019, plus que le double de l’impôt sur les sociétés.
Le troisième est que la baisse de l’activité économique va entraîner moins d’impôts indirects. Ainsi, la TVA, les droits de douane et ceux de consommation seront en berne. Ces trois sources de revenus ont apporté près de 12 milliards de dinars en 2019.
Le quatrième problème est la diminution des recettes non fiscales. La révision à la baisse des prix des carburants va donner des revenus de commercialisation plus faibles. Le quasi-arrêt de la demande italienne sur le gaz naturel algérien conduira aux plus faibles revenus du Gazoduc depuis de longues années.
C’est ainsi que les nouvelles projections du Budget présentées dans le rapport du FMI s’attendent à une baisse des recettes fiscales de 5,194 milliards de dinars. Les recettes non fiscales baisseront de 1,103 milliard de dinars.
2021 est aussi en jeu
Les soucis concernent également l’année prochaine. En l’absence d’une activité économique importante en 2020, quel impôt sera collecté en 2021? Il ne faut pas oublier que la structure de nos charges est peu flexible avec une masse salariale de près de 19 milliards de dinars et des remboursements de dettes. Celles-ci dépassent les 10 milliards de dinars.
A court terme, la solution est de recourir davantage à l’endettement. Mais dans quelques semaines, il faudra compter sur nos moyens pour continuer. Serions-nous prêts à faire des sacrifices pour que le pays redémarre?
C’est un vrai enjeu, car avec le vécu depuis la Révolution, nous avons appris que personne ne veut assumer ses responsabilités. Chaque partie prenante se considère victime et réclame de nouveaux avantages. Avec un tel esprit, on ne s’en sortira jamais.