Le débat s’annonce chaud entre les partis politiques. Et ce concernant le projet de loi sur l’installation du Qatar Fund for Development (QFFD) en Tunisie.
Certains pensent que l’affinité de certains partis politiques avec la péninsule, notamment Ennahdha, serait derrière la volonté de faire passer cette loi en priorité. Cette ouverture de représentation n’est autre que la concrétisation des promesses du Qatar. Il s’agit d’accorder à la Tunisie 250 millions de dollars pour le financement de projets. D’ailleurs, ce fonds va participer à la construction du nouvel hôpital d’enfants à Tunis à hauteur de 82 millions de dollars. A côté de la santé, d’autres secteurs sont visés. Il s’agit de l’énergie, l’enseignement et la recherche scientifique, l’agriculture, l’industrie, l’immobilier, le tourisme et les TIC.
Certains partis politiques pensent que cet accord n’est qu’une première étape vers la cession d’activités stratégiques et d’entreprises publiques aux Qataris.
Un investisseur institutionnel de premier rang
Au cours de 2019, le QFFD a investi une enveloppe de 577 millions de dollars répartis comme suit : 308 millions en interventions d’urgence, 113 millions en appui budgétaire, 64 millions de dollars en éducation, 56 millions en infrastructure, transport routier et bâtiments, 21 millions en développement de PME et 15 millions en santé.
La présence des Qataris en Tunisie n’est pas une nouveauté. Elle opère déjà à travers le Qatar Friendship Fund. C’est un programme dédié à la promotion de la culture de l’entrepreneuriat. Cette initiative a permis de créer, jusqu’à la fin de 2019, 36 000 emplois et a soutenu près de 7 000 PME. Pour la seule année 2019, plus de 6 400 bénéficiaires ont profité des offres de formation, de soutien technique et des ateliers de renforcement des capacités.
Soyons pragmatiques
Oublions maintenant les disputes des politiciens. Evaluons objectivement ce projet. Nous manquons d’IDE en Tunisie. En 2019, le pays n’a attiré que 2,479 milliards de dinars. 2020 ne pourrait pas être un meilleur exercice. A cause du COVID-19, les flux d’investissements étrangers dans le monde seraient en baisse de 30 à 40% en 2020 et 2021 selon les chiffres de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement. Ils seraient à leur plus bas niveau depuis la crise financière de 2008.
Ainsi, tout investisseur ne peut être que le bienvenu. Il faut juste mettre en place des mécanismes de contrôle de son activité, comme tout pays qui se veut une destination de financements étrangers. Nous disposons déjà de la BCT et du CMF. Ils assurent traditionnellement cette mission.
L’autre souci porte sur la possible cession d’actifs publics à ce fonds. Nous pensons qu’il est temps de dépasser cette crainte excessive comme si nous disposions de joyaux qui nous font gagner des millions de dinars. Alors que le dernier chiffre disponible montre que les entreprises de l’Etat ont un trou de 5 milliards de dinars. Après le Covid-19, elles sont devenues un vrai fardeau pour le pays et ses finances publiques fragiles.
Trouver des investisseurs institutionnels, qui interviennent même via des dettes hybrides, serait d’une grande importance pour que ces entités continuent à survivre. La meilleure illustration est celle de Tunisair. La société a décidé de réduire provisoirement les salaires de son personnel à l’étranger de 50%.
Ouvrir le capital de certaines grandes entreprises publiques à des privés est une condition sine qua non à leur existence. D’ailleurs, il faut s’estimer heureux si des investisseurs s’intéressent à des entités financièrement maintenues grâce à l’Etat.
Cette fois, soit tout le monde s’accorde sur ce principe. Soit c’est le début de la disparition du service public.