La crise Covid-19 baptisée par le FMI, The Great Lockdown et traduit en français par le Grand Confinement serait probablement la crise économique et financière la plus violente jamais connue auparavant par l’économie mondiale. Le FMI a, d’ores et déjà, précisé qu’il ne s’agit plus d’une simple crise mais d’une véritable récession économique. Ce qui laisse présager l’inscription de la crise dans la durée.
L’onde de choc n’est qu’à ses débuts. Nul ne peut aujourd’hui anticiper les conséquences de la crise Covid-19 sur l’économie réelle, sur les marchés financiers et surtout sur les revenus et les conditions de vie de millions de personnes à travers le monde.
La première crise exogène de l’histoire de la pensée économique
La crise économique et financière qui découle de la pandémie serait inédite au regard de plusieurs critères. Tout d’abord, il s’agit d’une crise à caractère global et généralisé affectant la quasi-totalité de l’économie mondiale.
Aussi bien les pays développés que ceux en développement ont été sévèrement touchés par l’arrêt brutal de toute forme d’activité. Cet impact demeure pour l’instant incertain. Il dépendra sans doute de la durée de la crise.
Ensuite, la crise Covid-19 marquera l’histoire par son caractère exogène [1]. Aussi bien, la sphère réelle que financière subissent pour la première fois de l’histoire économique contemporaine un choc exogène, en l’occurrence une pandémie sanitaire. Le déséquilibre ne résulte pas d’un dysfonctionnement du système économique lui-même mais d’un événement externe imposé par des contraintes de santé publique.
Enfin, la crise Covid-19 serait sans précédent par l’ampleur de ses conséquences désastreuses aussi bien pour l’activité réelle et les revenus que pour les marchés financiers.
Une crise qui ne ressemble à aucune autre
La lecture de l’histoire des crises économiques témoigne du caractère inédit et sans précédent de la crise Covid-19. Certes, l’histoire de l’économie mondiale a été ponctuée par la récurrence des crises. Mais la crise actuelle ne ressemble à aucune des crises précédentes.
Bien que l’histoire des crises économiques remonte à 1637 avec la spéculation sur les tulipes aux Pays-Bas, la crise de 1929 demeure néanmoins la crise qui a le plus marqué cette histoire par son ampleur et l’étendue de ses conséquences. Le krach boursier de Wall Street en octobre 1929 l’a déclenché. Rapidement, la crise spéculative s’est transformée en une crise économique qui a duré plus de dix ans. Et ce, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale d’où son appellation de Grande Dépression.
Durant la seconde moitié du vingtième siècle et avec la fin du système de Bretton Woods (de 1944), la cadence des crises a connu une certaine accélération mais avec des effets relativement limités.
Nous recensons dans ce cadre de nombreuses crises comme celle de la dette des pays du Sud (les années 1980), le krach boursier de 1987, la crise japonaise des années 1990, la crise asiatique (1997-1998) et la crise russe (1998).
La dernière page de cette histoire a été marquée par une crise relativement violente celle des Subprimes (2007-2008) suivie de la crise de la dette de la zone Euro dans les années 2010.
Le point commun de ces crises reste sans doute leur caractère endogène. Le choc naît et se propage dans la sphère économique et/ou financière et modifie son mode de fonctionnement et ses mécanismes de régulation. A l’inverse, la crise Covid-19 est plutôt de nature exogène et risque de déstabiliser voire bouleverser tout le système économique existant.
Une crise dont le schéma de déroulement encore méconnu
Face à la crise Covid-19, la pensée économique est doublement mise à mal. D’une part cette nouvelle crise s’ajoute à la liste des crises survenues par surprise. Nul n’était en mesure d’anticiper ni de prévenir la réalisation de cet événement majeur.
D’autre part, les connaissances et le savoir-faire accumulés sont entièrement inadaptés à la situation inédite de la crise Covid-19. Force est de constater que nul ne peut décrire avec précision le modèle de propagation de la crise Covid-19. Ni quantifier ses effets directs et indirects sur l’économie mondiale
Aussi bien les économistes que les décideurs en matière de politique économique ne possèdent les connaissances suffisantes ni les compétences requises pour gérer cette nouvelle catégorie de crise.
En conséquence, nul ne dispose aujourd’hui de réponse immédiate pour amortir l’effet du choc économique de la crise Covid-19. L’approche de l’apprentissage par la pratique (ou The learning by doing) devrait probablement l’emporter dans les mois voire les années à venir.
Les quelques enseignements de l’histoire économique
Pourquoi est-il aussi important de faire cette lecture historique dans le contexte actuel ? la réponse est relativement simple : « L’Histoire est un miroir, parfois déformant, qui peut nous aider à comprendre la réalité d’aujourd’hui et à éclairer celle de demain ». En effet, c’est à travers cette analyse de l’histoire économique qu’il est possible de comprendre le présent et d’établir quelques repères pour anticiper le futur.
Les quatre points suivants résument les quelques enseignements à tirer de cette longue histoire des crises économiques :
- Jusqu’à présent, la théorie économique a pu identifier quatre types de crises. Les crises purement économiques qui touchent la sphère réelle.Celles financières, à savoir les crises de change. Ainsi que les crises bancaires et les crises boursières;
- Un modèle des crises spéculatives existe. Il a été introduit par Charles Kindleberger[2] (1978). Ce modèle décrit de manière simplifiée la genèse d’une crise, ses effets de contagion et ses mécanismes de propagation;
- Les réponses apportées aux différentes crises ont été définies a posteriori. Principalement à travers la régulation, la réglementation et le renforcement de la surveillance des différents acteurs;
- La capacité à anticiper et à prévenir des crises a toujours été très limitée et elle ne s’est pas améliorée au fil du temps.
[1] Papava, V. & Charaia V. (2020), The Coronomic Crisis and Some Challenges for the Georgian Economy, Georgian Foundation for Strategic and International Studies, Expert opinion n°136.
[2] Charles Kindleberger (1910-2003) est professeur d’économie internationale et historien de l’économie. Son livre de 1978 intitulé « Manias, Panics, and Crashes ». Référence incontournable dans le domaine, sa traduction en français a pour titre : « Histoire mondiale de la spéculation financière ».