Une crise imprévue mais prévisible. Ainsi l’on pourrait qualifier la pandémie COVID-19. Il y a un consensus rare qu’une telle crise n’a pas de similaire dans l’histoire de l’humanité. Elle aura des impacts majeurs sur les plans économiques et sociaux voire sur les contours du monde de demain.
Les crises économiques et financières ont ceci de commun avec les virus, ça mute. Aucune crise ne ressemble à une autre. Ceux qui se sont aventurés, hâtivement et par commodité intellectuelle à des parallèles, en ont eu pour leurs frais.
Cette crise constitue une première. Bien évidemment, chaque crise, ou situation nouvelle, génère ses néologismes. Le Covid-19 n’a pas dérogé à la règle avec « collapsolgie » qui pousserait certains analystes. Et non des moindres, à prophétiser l’effondrement du capitalisme, du moins sous sa forme actuelle, le retour à la nature, la fin de la mondialisation, le repli identitaire, le retour en grâce du souverainisme voire du nationalisme et du développement endogène, de révolution technologique matinée d’écologie.
Alors, la fin d’un modèle ? Assurément. Les ruptures et les changements sont rarement consentis. « Le changement du monde n’est pas seulement création, progrès, il est d’abord et toujours décomposition, crise » [Alain Touraine]. Mais encore faut-il en inventer un autre qui ne tomberait pas rapidement dans les travers du premier.
« Chaque crise, ou situation nouvelle, génère ses néologismes et le Covid-19 n’a pas dérogé à la règle avec collapsolgie »
Amnésie après retour à meilleure fortune, résolutions oubliées, stratégies du sauve qui peut, enseignements non tirés notamment en matière de transition climatique et numérique, quête du profit, concurrence et habitudes de consommation retrouvées obligent.
Comme toutes les crises, celle-ci a révélé, au sens photographique du terme, les faiblesses et les failles du système, sur le plan de la vétusté des infrastructures hospitalières et de l’inefficience de la prise en charge des soins d’abord. Ensuite pour confirmer l’essoufflement d’un modèle économique et social décrié. Mais sans alternative crédible plus soucieuse d’environnement, de social et de durabilité. Enfin de capacité managériale des gouvernements à gérer des évènements exceptionnels et inédits.
Ce qui est clair, c’est que nous vivons un moment historique qui « sépare deux formes provisoires du monde » [dixit Jacques Attali]. La principale difficulté de cette crise, c’est que nous n’en connaissons avec certitude ni le point de départ, ni les vents favorables à notre trajectoire d’arrivée et encore moins ce que nous allons y trouver.
Sur le plan sanitaire : impact limité
Il n’est nullement question ici de faire des supputations ou de se faire le chantre de telle ou théorie et encore moins d’afficher des certitudes quant à l’origine du COVID-19 et sur le meilleur protocole thérapeutique.
C’est depuis que le 12 mars 2020, l’OMS a qualifié le COVID-19 comme une pandémie en raison du rythme exponentiel du nombre de cas et de l’étendue des pays touchés que l’on assiste à un « emballement » médiatique pas toujours serein ni innocent. Mais, les faits sont là et il faudra les traiter.
En date du 26 avril 2020, la situation se présente comme suit :
- 2.9 Millions : Cas confirmés
- 823 K : Cas rétablis
- 203 : Cas de décès
Comparée à d’autres pandémies voire aux victimes annuelles de la grippe dans le monde (environ 600 000/an), aux 9 millions de victimes annuelles de malnutrition dont le tiers sont des enfants, aux victimes du paludisme, aux accidents de la route, aux victimes du cancer, aux conflits armés dans divers théâtres d’opérations, … le nombre, à l’échelle de la population mondiale, n’est pas très élevé.
Ce sont, en revanche, ses conséquences en termes de blocage de toute activité, de limites à la mobilité, de repliement, de psychose et même de panique de la population et de fragilisation du corps social qui font problème.
Au-delà de la dimension sanitaire, qui est fonction de la gestion des gouvernements et de la mise à disposition de moyens notamment pour trouver rapidement un vaccin, c’est sur le plan économique et social que le traitement est plus lourd et sans garantie de résultat.
Les réponses sanitaires : convergentes
Les mesures prises, et quelque soient leur ampleur et leur niveau de sévérité, ont impacté directement le rythme de l’activité économique. Elles constituent un choc d’offre et de demande tels que décrit infra :
Monde, quantification de l’impact : impossible
Tenter de chiffrer de manière précise ces impacts, à ce niveau du développement de la crise, relèverait de la gageure. Des ajustements quasiment au jour le jour sont faits pour affiner les estimations et surtout pour anticiper les différentes évolutions. Il n’en demeure pas moins, que l’on peut avancer quelques tendances lourdes :
- Plus de 25 milliards de dollars de pertes pour les investisseurs en bourse : pertes pour les épargnants ; menaces de faillites pour les investisseurs institutionnels (assureurs, fonds de pensions, …);
- Menaces de disparition pour des centaines de milliers de PME/ PMI/TPE avec tout ce que cela impliquerait de perte d’emplois ou de sources de revenus pour des dizaines voire des centaines de millions de personnes;
- Plus de 500 millions de « nouveaux pauvres » additionnels dans le monde (entre 6 et 8% de la population mondiale) selon une étude des Nations Unis;
- Plus de 2 milliards de personnes qui survivent du secteur informel dans le monde donc sans aucune protection sociale ou assurance médicale et qu’il faudra gérer;
- Des pans entiers de l’économie d’aujourd’hui sont menacés de disparition;
- Accroissement voire renforcement des inégalités entre pays et à l’intérieur de pays, entre régions et catégories socio-professionnelles;
- Solidarité, consignée dans des traités (i.e. Union européenne) sérieusement écornée et qui risque de remettre en question les régionalisations, les regroupements et les équilibres géostratégiques (i.e. entrée de la Chine);
- Retour en grâce des thèses souverainistes voire nationalistes comme éventuelle réponse à la crise.
« Tenter de chiffrer de manière précise ces impacts, à ce niveau du développement de la crise, relèverait de la gageure »
Face à ces chiffres effrayants et à ces constats, et même s’il est difficile de s’inspirer des expériences passées pour prescrire des remèdes « testés » et avec des « effets secondaires » contenus et encore moins d’énoncer des prédictions basées sur des modèles de relance, plusieurs gouvernements et banques centrales sont intervenus. Et ce avec d’une part des annonces d’injections de plusieurs centaines de milliards de dollars et d’autre part des dispositifs de soutien jamais égalés.
L’objectif étant de se préparer à la reprise progressive en permettant aux entreprises de survivre à ce choc mais également d’être à même de se relancer immédiatement après la période de dé-confinement progressif. Il faut relever que bien avant cette pandémie, l’économie mondiale montrait déjà des signes de ralentissement. Le modèle dominant était de plus en plus contesté. Et ce comme étant inégalitaire, peu solidaire, non respectueux de l’environnement et socialement injuste. Sujets que nous retrouverons repris comme axes préfigurant le modèle de demain.