Par Hichem REBAI, Directeur Général de la BH BANK
Partout dans le monde, depuis le début de la crise sanitaire, les banques sont exposées à plus de risques. La dernière évaluation de l’agence de notation financière S&P en fait état pour le secteur bancaire tunisien. Hichem Rebai, DG de la BH Bank, livre sa lecture de la situation et des enjeux pour la banque. Le secteur bancaire et la gestion du risque n’ont pas de secret pour lui. Et pour cause, avant d’être à la tête de la BH Bank, il était adjoint au directeur général de l’UIB, pendant plus d’une décennie, en charge notamment des activités de crédit, de suivi et surveillance des risques de contreparties, des risques opérationnels et de marché. À ce titre, il a une conscience aiguë de la situation du secteur bancaire par gros temps.
La crise sanitaire inédite du COVID-19 est clairement d’une violence exceptionnelle. Bien évidemment, à l’échelle internationale, les impacts économiques, sociaux et financiers seront d’une ampleur imprévisible. Il est clair qu’à la suite de l’arrêt brutal, systémique et global de l’activité économique, les dégâts collatéraux attendus seront colossaux. J’oserai même dire que prétendre gérer les retombées dans le temps comme celles des crises financières ou économiques précédentes serait un raccourci abusif aussi simple que léger.
Dans le contexte tunisien, la situation qui a été accablée obéit au même diktat avec en plus un contexte d’avant COVID-19 économiquement difficile et des indicateurs macro demeurant tendus. Il n’en reste pas moins que nous ne pouvons ignorer la correction de quelques paramètres sous l’effet d’une baisse de l’inflation, du déficit budgétaire, de la stabilité du dinar et de la maîtrise du refinancement bancaire. C’est dire que jusqu’à fin 2019, en général l’activité bancaire n’affichait pas d’indicateurs de fragilité particulière. Les aspects de redressement stratégiques comme la concentration des banques, la convergence vers les normes internationales, la relance de l’investissement étaient déjà inscrits dans la feuille de route du régulateur et des autorités.
Les impacts de la crise sanitaire du COVID-19 sur l’activité bancaire sont du reste mécaniques. À vrai dire, nul ne pouvait s’y soustraire. Au vu d’une croissance économique négative prévue pour 2020, d’une récession économique des pays de l’espace européen, de la décélération de la demande, le choc de l’offre et un ralentissement des investissements, l’activité bancaire ne peut qu’en être impactée.
Il n’en demeure pas moins que les effets seront différenciés selon le Business model de chaque banque. Ils dépendront du profil et des segments de sa clientèle, de ses expositions sectorielles ainsi que de son coût net de risque.
Rempart à la crise
Pour ce qui est de la dernière revue faite par Standard and Poor’s, il importe de rappeler que dans ce contexte, il fallait gérer la situation en agissant sur trois aspects majeurs. D’abord, les mesures d’urgence déjà prises et appliquées aux entreprises pour maintenir l’activité en période de confinement partiel ou total.
Ensuite, les mesures attendues pour la reprise et la relance d’activité des entreprises.
Et enfin, en intégrant le support de la banque à la clientèle des particuliers ayant bénéficié des reports d’échéances de crédits, mesure qui exercerait une tension sur la liquidité et un impact sur les revenus attendus.
Au-delà de la pertinence incontestée des mesures déjà prises par la BCT et du ministère des Finances à même d’atténuer l’impact économique et social de la crise sanitaire sur les entreprises, les professionnels et leurs salariés, la BH Bank jouit de plusieurs leviers de résilience qui sont de nature à alléger la charge du contexte et les impératifs de la relance de ses clients. On peut en citer trois. En premier lieu, le profil de notre clientèle d’entreprises, plutôt diversifié sans concentration d’exposition notamment sur des secteurs à forte vulnérabilité. Secundo, notre niveau de couverture des créances classées (NPL) est assez confortable grâce à une démarche de classification et de provisionnement dûment renforcée en 2019. Et tertio, le segment de clientèle de particuliers adossée à un profil d’employeurs qui n’incarnent pas de risque particulier face aux aléas du contexte.
Nous sommes profondément réalistes en ce qui concerne les effets induits par la crise. Il serait toutefois assez prématuré d’apprécier d’une façon factuelle ses impacts sur les équilibres fondamentaux de la banque, y compris l’effet sur ses ratios prudentiels, son taux de NPL ou son Produit Net Bancaire.
Au risque même de surestimer les impacts, il est fondamental de souligner que la période de passage à une situation moins instable voire une reprise d’activité en rythme normal ainsi que le comportement des marchés à l’international seraient des paramètres cruciaux dans le décompte final.
La BH Bank continuera à composer avec tous les éléments du contexte et à accompagner durant cette période tous ses clients avec la célérité requise. Notre devise est de s’appuyer sur les mesures d’accompagnement décidées par les autorités en préservant dans la durée nos fondamentaux.