Les propos tenus à l’ARP à l’encontre du chef de l’Etat après sa déclaration au lendemain de sa visite à Kébili, ne sont-ils pas le signe d’un conflit entre les pouvoirs exécutif et législatif? Ou plutôt –et les deux sont peut-être liés- le signe d’une nécessaire recomposition du paysage politique après le confinement?
En effet, c’est à croire que la fin du confinement, et le début donc du déconfinement, ont été pour la classe politique l’occasion pour que la politique reprenne ses droits. Et cette réalité est bien apparue au grand jour avec les propos récents tenus par trois députés de l’ARP; en réaction à la visite du chef de l’Etat à Kébili, le 11 mai 2020.
D’ailleurs, il est à se demander si les représentants de la Nation Saïd Ferjani, Seiffeddine Makhlouf et Oussema Khélifi n’ont pas quelque part franchi le Rubicon par des déclarations peu amènes. Allant jusqu’à des menaces à l’encontre du président de la République, qui en ont étonné plus d’un.
Une situation à laquelle certains observateurs s’attendaient: on savait que le chef de l’Etat n’était pas d’accord avec la « misère politique » qu’il voit à l’ARP. Comme on savait que des députés et des courants politiques n’avaient pas toujours apprécié les faits et gestes du président de la République.
Quoi qu’il en soit, ces propos n’arrangent pas les choses –loin s’en faut- dans un contexte difficile marqué par les problèmes économiques que connaissent de nombreux secteurs du pays et de nombreux citoyens qui ont largement « souffert » d’un confinement pourtant nécessaire à la bonne marche de la santé publique.
De bric et de broc?
Lors de la séance du 12 mai 2020, l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a été du reste le théâtre d’une nouvelle agitation. En raison d’une demande pressante de certains membres d’auditionner le président de cette institution et président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Offrant évidement un spectacle que les Tunisiens n’apprécient guère. Des Tunisiens ayant la tête bien ailleurs, notamment à l’approche de l’Aïd. Une fête synonyme de dépenses excessives par rapport au reste des périodes de l’année. Et des soucis quant à l’avenir de l’après pandémie pour leur emploi.
Empressons-nous de dire, comme le faisait remarquer le journaliste français et patron de presse Pierre Lazareff, que l’actualité « semble en apparence faite de bric et de broc. Ce qui n’est pas le cas dans la mesure où tous les faits sont proches les uns des autres et finissant par offrir une image d’ensemble ».
Pour se rendre compte de cette réalité, il faut avoir à l’esprit quelques déclarations. Celle, par exemple, du Comité exécutif d’Ennahdha qui a pointé du doigt, le 4 mai 2020, par la voix de son Majless Al Choura, les « campagnes d’information » contre la démocratie tunisienne, comme les attaques contre le président de l’ARP et du mouvement.
Quitter le gouvernement
Une déclaration qui a suscité l’ire du Président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), Neji Beghouri, qui –réponse pour ainsi dire du berger à la bergère- a évoqué, en revanche, l’armée d’internautes au service d’Ennahdha.
Des déclarations qui concordent à peu près avec celles du député Heikel Mekki du mouvement « Echaab » qui dit avoir été attaqué par des pages islamistes. Des propos encore à rapprocher de ceux de Zouheir Maghzaoui, secrétaire général d’Echaab, le 12 mai 2020. Et ce, au sujet de la volonté de son mouvement de quitter le gouvernement étant donné les différends avec le mouvement islamiste.
Ce qui ouvre les portes grandes ouvertes à une crise gouvernementale –Ennahdha et « Echaab » sont membres du gouvernement d’Elyes Fakhfakh où ils occupent des maroquins ministériels. A un moment vital –ne l’oublions pas- marqué par l’annonce des mesures en faveur d’une sortie de crise économique. Ce qui nécessite une réelle solidarité gouvernementale.
Autant dit que ce n’est pas de bon augure. Et pas seulement pour le gouvernement. Mais aussi pour tout le bâtit politique. Et l’on s’étonne après de la montée du populisme comme de l’antiparlementarisme qui risquent d’exploser. Un proverbe français dit bien: « Qui sème le vent, récolte la tempête ».
A moins –et les politiques ont des desseins inavouables et inavoués- d’opérer une recomposition du paysage politique gouvernemental. On répète à satiété que le monde de l’après pandémie du Coronavirus ne ressemblera pas à celui de l’avant. Et pourquoi voulez-vous qu’il n’y ait pas un projet d’asseoir le paysage politique tunisien sur de nouvelles bases? En fait, un nouveau format.