Dans son intervention sur les colonnes de l’hebdomadaire « Le Point », Elyes Mnakbi, PDG de Tunisair, appelle à des solutions radicales. Afin de sauver une compagnie nationale tunisienne à l’agonie.
C’est un vrai cri d’alarme que vient de lancer Elyes Mnakbi, PDG de Tunisair. Sur la situation financière intenable de la compagnie aérienne nationale. Et s’il a choisi un média étranger, c’est probablement pour prendre l’opinion publique à témoin. Sur la nécessité absolue de revoir le statut du transporteur aérien. Source de tous les maux d’une compagnie détenue à 62% par l’Etat.
Question de survie
Ainsi, dans une interview accordée récemment à l’hebdomadaire français « Le Point », le PDG de Tunisair révèle que la crise financière que traverse le transporteur aérien ne date pas d’hier et que la question de sa survie se pose désormais avec insistance : « Nous sommes en train de survivre pour peu de temps. Depuis le confinement et la fermeture des frontières, nos appareils sont cloués au sol. Hormis les quatre-vingts vols de rapatriement de Tunisiens effectués en Europe, en Asie, au Moyen-Orient », a-t-il rappelé.
Et de préciser : « Les salaires et primes des mois de mars et avril ont été versés. Ils le seront en mai. Quid de juin ? Nous attendons l’aide gouvernementale. Mais on nous dit que la situation des finances publiques n’est pas bonne », déplore le PDG de Tunisair.
Stopper l’hémorragie
Or, pour ne pas recourir au chômage partiel de mai jusqu’à octobre pour une bonne partie de ses salariés, le report des échéances pour six mois, le report des dettes avec le Trésor public et l’exemption de charges sont les conditions sine qua non à l’arrêt de l’hémorragie.
« La Gazelle rouge, surnom de Tunisair, précise l’ancien colonel de l’armée de l’air, a besoin de cent millions de dinars d’ici fin mai. Lesquels seront consacrés au paiement des salaires et des primes des employés, au redémarrage de la compagnie, au paiement des fournisseurs ainsi qu’à l’achat du carburant ».
Schizophrénie
Le fond du problème, selon le diagnostic de M. Mnakbi, est le statut hybride de Tunisair : on lui demande des résultats dignes du privé tout en accomplissant des missions publiques.
A titre d’exemple, et afin d’ouvrir la Tunisie sur l’Afrique, l’Etat exige l’ouverture de lignes sur Niamey, Cotonou, Conakry, etc., ou de maintenir des vols depuis Paris et Lyon. « Nous perdons quatre millions de dinars, un choix que seul le politique peut résoudre. En effet, Tunisair doit-elle être une entreprise privée dans sa gestion, à l’européenne ou une compagnie au service de l’Etat comme le Royal Air Maroc ? ».
« Un problème politique »
« C’est ingérable, c’est infernal », s’écrie Elyes Mnakbi. Il ajoute : »Cet archaïsme nous empêche d’être concurrentiels. Dans la pratique, nous avons des plans approuvés par le conseil d’administration qui peuvent être refusés par le ministre des Transports ». Un héritage des années 1970 : « Tunisair n’a pas la liberté de sa gouvernance, la direction générale ne peut pas prendre de décisions sans l’accord du politique », a-t-il constaté.
Rappelons que depuis sa nomination, Elyes Mnakbi a eu quatre ministres de tutelle. « Il n’y a pas de continuité, chacun arrive avec ses idées, ses priorités, personne ne veut prendre de décisions ». Désormais, « c’est le moment ou jamais pour prendre des décisions, même si elles sont douloureuses », a-t-il averti.
M. Mnakbi fait-il une allusion à peine voilée à une éventuelle privatisation de la Gazelle rouge ? Chut, on rentre là dans le vif du sujet, en l’occurrence « les décisions douloureuses » que les politiques seraient amenés à prendre pour sauver le soldat Tunisair.
A moins de recourir à un partenaire privé, une option à laquelle l’UGTT ne semble pas tout à fait hostile.