Le parlement est-il en train de se transformer en un corps toxique dans la structure étatique tunisienne qui met en danger la paix civile et la sécurité de l’Etat ?
Une précision s’impose dès le départ : on ne peut pas dire honnêtement que le parlement met en danger la transition démocratique. Car ce serait prendre les gens pour des imbéciles si l’on continuait à parler encore dans ce pays de transition démocratique.
Grâce à Ennahdha et aux partis-cartons qu’elle a apprivoisés et mis à son service, nous avons pris depuis 2012 une trajectoire n’ayant rien à voir ni avec la démocratie ni avec les priorités fondamentales de la Tunisie et de ses habitants.
Il y a bien longtemps que les Tunisiens ont perdu confiance en la classe politique. Il y a bien longtemps qu’ils ressentent du mépris et de la répugnance envers la plupart des partis politiques dont les seules caractéristiques sont l’incompétence, l’impéritie, la médiocrité et l’insignifiance.
Quand on exprime la crainte de voir le parlement se transformer en un corps toxique, cela ne veut pas dire que nous mettons tous les députés dans le même sac. Il y a des députés honnêtes et patriotes qui s’efforcent de servir autant que faire se peut les intérêts du pays et de répondre aux attentes de leurs électeurs.
Malheureusement, leur réputation ne peut ne pas souffrir du comportement et des attitudes de leurs collègues dont la seule présence dans l’enceinte du parlement est en elle-même un scandale. Une insulte à la mémoire de la défunte démocratie à laquelle on a cru un certain 14 janvier 2011. Sauf qu’elle a eu largement le temps de se transformer en mirage. Un mirage qu’on poursuit depuis près d’une décennie, tels des assoiffés qui poursuivent ce qu’ils croient être un plan d’eau dans le désert.
Il y a une tendance à la généralisation qui consiste à mettre toute la classe politique dans le même sac. Cela s’explique par le jugement pessimiste largement partagé dans le pays sur la moralité des élus malhonnêtes.
Il est inévitable que, dans l’inconscient collectif, la malhonnêteté des uns déteigne sur la moralité sans taches des autres. Leur honnêteté et leur rectitude ne résistent pas au verdict populaire lapidaire : « Tous pourris ».
Mépris et colère populaires
Pourquoi le mépris et la colère populaires se concentrent-ils essentiellement sur le parlement au point que des voix de plus en plus nombreuses appellent à sa dissolution ?
Trois facteurs principaux ont contribué au grave discrédit qui frappe aujourd’hui l’institution parlementaire : le comportement douteux de la présidence, la trahison des électeurs par le parti de Nabil Karoui « Qalb Tounes » et la félonie des représentants de la coalition de la ‘’dignité’’.
Son népotisme, sa loyauté envers des pays étrangers et la liberté qu’il prend avec le texte constitutionnel ont fait du président du parlement une tare pour l’institution qu’il préside. Nul besoin de s’attarder sur les détails relatifs aux nombreux « conseillers » nahdhaouis dont il s’est entouré et qui bénéficient du rang et des avantages de ministre et de secrétaire d’Etat.
Inutile de revenir sur l’humiliation subie par la Tunisie et par le parlement suite à ses voyages en Turquie et à ses tête-à-tête suspects avec Erdogan…S’étonne-t-on dès lors qu’il soit vivement contesté par de nombreux députés et critiqué avec virulence dans les médias, et plus encore dans les réseaux sociaux ?
Avant les élections, le président de « Qalb Tounes » Nabil Karoui était en campagne sur le plateau d’une chaîne de télévision privée. A un certain moment, il demanda à l’animatrice de lui montrer la caméra à travers laquelle il pouvait s’adresser directement au peuple car il avait quelque chose d’important à dire.
Lui ayant montré la caméra et regardant les téléspectateurs droit dans les yeux, il dit ceci : « Nous n’oublierons jamais ce que Ennahdha a fait des partis qui se sont alliés avec elle. Nous ne sommes pas fous pour nous allier avec ce parti et subir le sort d’Ettakattol, du Parti du Congrès et de Nidaa Tounes. Je vous le dis droit dans les yeux, nous ne nous allierons jamais avec le parti islamiste. »
Obéissance et obséquiosité
On connaît la suite. Non seulement « ’Qalb Tounes » s’est allié avec Ennahdha, mais, en termes d’obéissance, d’obséquiosité même, vis-à-vis de l’Organisation islamiste et de son chef, le parti de Nabil Karoui est en train de battre feu Ettakattol et feu le parti du Congrès, en attendant de subir leur sort et de disparaitre à son tour de la scène.
Beaucoup d’électeurs, dont votre humble serviteur, ont été assez naïfs pour croire sur parole Nabil Karoui et de voter pour les listes de « Qalb Tounes ». Cette naïveté a permis à un homme sans programme, sans principe et sans vergogne de berner des centaines de milliers de citoyens. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, la trahison des électeurs de « Qalb Tounes » a permis l’élection de Rached Ghannouchi à la présidence du parlement…
Le discrédit dont souffre le parlement devient carrément une humiliation quand on voit le niveau douteux et le comportement déplorable de certains députés de la Coalition dite de la «Dignité», dont son chef Seifeddine Makhlouf.
Leur statut d’appendice d’Ennahdha au parlement ne les a pas empêchés de verser dans l’arrogance. L’arrogance de celui qui s’est trouvé par accident dans un poste qui n’est pas le sien et qui tente désespérément de prouver le contraire.
Que dire de ce député qui s’adresse à ses collègues en leur disant qu’ils doivent faire leurs ablutions avant de lui parler ?
Que penser de son ami qui explique l’imposition du masque pour se protéger du Covid-19 comme une punition divine imposée à ceux qui refusent le Niqab ? C’est cela le niveau de la Coalition dite de la « dignité ».
Nostalgie pour le bon vieux temps
Un niveau qui descend plus bas chaque fois que le chef de cette coalition, Seifeddine Makhlouf, prend la parole pour faire l’étalage de son arrogance, de son insignifiance, de sa futilité et de sa vanité.
Ce type n’a trouvé aucun scrupule à s’en prendre au juge qui enquêtait sur l’école coranique du Reguab en lui lançant : « Viens ici si t’es un homme » !
Cet écervelé a poussé l’outrecuidance jusqu’à proférer des grossièretés contre le président de la République et de le menacer de destitution.
Ce malotru n’a pas hésité à traiter en direct sur les ondes Haitham Mekki, un journaliste respecté et respectable, de « chien ». Tel est le niveau du président de la coalition de la « dignité » !
Nous ne prenons pas à notre compte la question que beaucoup se sont posés sur les réseaux sociaux : est-ce que Haitham Mekki est un chien ou c’est plutôt Seifeddine Makhlouf qui porte les symptômes de chien enragé ?
Mais disons que le président de la coalition de la « dignité » et ses amis sont pour beaucoup dans la brutale dégradation de l’image du parlement aux yeux des citoyens tunisiens. Au point que beaucoup d’entre eux n’hésitent plus à évoquer avec nostalgie les parlements sous Bourguiba et sous Ben Ali et les compétences qui y siégeaient.
Quel citoyen patriote et honnête ne regrette pas aujourd’hui le bon vieux temps où la coupole du Bardo accueillait des représentants du peuple compétents, honnêtes et mus par la loyauté exclusive à la Tunisie et à son drapeau ?
Quel citoyen patriote et honnête ne se rappelle pas avec un pincement au cœur les années de « dictature » quand le parlement était présidé par des hommes de la trempe de Mahmoud Messaadi et Habib Boularès ?…