La Poste Tunisienne est l’un des opérateurs financiers qui jouit d’une confiance totale auprès des Tunisiens. Elle a une présence géographique unique sur l’ensemble du territoire national. Elle assure l’accès aux différents services financiers à la population rurale et à faible revenu. Des segments dans lesquels les banques ne trouvent pas d’intérêt pour investir.
Durant la crise de la COVID-19, la Poste Tunisienne a montré une grande capacité à innover et à mettre à la disposition des citoyens une panoplie de services qui ont contribué à alléger l’impact du confinement. Toutefois, les équilibres de cet établissement sont en train de se fragiliser comme le montrent les chiffres publiés par le Ministère des Finances.
Les charges de personnel pèsent lourd
Il faut d’abord préciser que les derniers chiffres audités et définitifs sont relatifs à 2016. Ceux de 2017 sont provisoires et de 2018 estimés.
L’effectif de La Poste s’élève à 9 331 fonctionnaires qui lui coûtent 329,2 millions de dinars; soit une croissance moyenne de 8,1% sur 2016-18. Cette masse salariale, à l’instar des autres secteurs, n’a pas cessé d’évoluer en dépit de la baisse du nombre d’employés. En moyenne, un agent coûtait 28 865 dinars par an en 2016. Fin 2018, cette charge serait passée à 35 280 dinars.
Cette hausse s’est accompagnée de celle des revenus d’exploitation. Ils ont progressé de 7,1% sur la même période. Fin 2018, les estimations évaluent les recettes à 406 MTND. Outre les activités traditionnelles de distribution de courriers et de colis, ces revenus sont générés par les services financiers. En 2018, le nombre de cartes électroniques est estimé à 1,692 millions et le nombre de comptes d’épargne est de 3,893 millions.
Le total des charges opérationnelles est estimé à 440,8 MTND fin 2018. Ce qui aboutirait à une perte d’exploitation de 34,8 MTND. Le résultat net est estimé à -20 MTND, ce qui porte les résultats reportés à -93,9 MTND. Toutefois, les fonds propres de La Poste restent toujours à des niveaux confortables à 226,7 MTND.
Les dettes de l’établissement se montent à 69,8 MTND, en nette amélioration par rapport à 2017 (83,9 MTND). Et dont 33,8% sont vis-à-vis des caisses sociales.
Redresser la situation n’est pas impossible
La situation financière de La Poste n’est pas donc aussi mauvaise que l’on pense. Bien que nous pensions qu’il est inacceptable qu’elle perde de l’argent. En même temps, il faut reconnaître que ses comparables dans le monde connaissent des difficultés. Et ce, à cause du changement du modèle économique. D’ailleurs, plusieurs sont en train de mener des chantiers de transformation radicale.
Rectifier le tir passe essentiellement par l’innovation et la capacité à l’intégrer dans les différents processus de production. La Poste est une entité qui a investi sur 2016-17 une enveloppe de 95,2 MTND, plus que ses pertes cumulées. Cela devrait contribuer à l’amélioration de ses revenus à moyen et long termes et à l’augmentation de la productivité de ses agents.
En sus de l’adaptation des métiers classiques, il faut développer d’autres segments jusque-là peu exploités.
Le premier est celui de l’assurance Vie. C’est un moyen qui permet de collecter une épargne longue. La Poste dispose déjà d’un produit de retraite complémentaire (MOTMEN). Elle n’a qu’à mettre l’accent sur sa vente. Elle ne peut pas rester loin d’un business qui a affiché des primes de 575 MTND en 2019. Imaginez chacun des 1 028 bureaux signer un seul contrat par mois pour un placement moyen de 3 000 TND. C’est l’équivalent de 37 MTND de collecte par an.
« La Poste est une entité qui a investi sur 2016-17 une enveloppe de 95,2 MTND, plus que ses pertes cumulées »
Nous pensons que l’établissement a les moyens d’aller plus loin grâce à son capital confiance et se développer dans tous les métiers de l’assurance, notamment la santé et la protection. C’est beaucoup plus rentable que le métier de banque qui exige plus de fonds propres et présente plus de risques.
C’est le moyen pour développer la gestion d’actifs. La Poste a également une SICAV obligataire, TANIT, dont l’encours se monte à 67,237MTND fin avril 2020. Cet Organisme de Placement Collectif a le potentiel de se retrouver dans le top 3 des véhicules d’investissement en Tunisie. Avec la possibilité de dégager d’importants frais de gestion qui viendraient renforcer les revenus.
L’avantage dont dispose La Poste c’est qu’elle peut renverser la situation en comptant sur ses propres ressources. La digitalisation des services lui offre une opportunité unique pour sortir de la crise, beaucoup plus forte qu’elle l’était auparavant.