L’homme d’affaires saoudien Cheikh Salah Abdallah Kamel est décédé lundi 18 mai 2020 à l’âge de 79 ans. Dans une déclaration accordée à leconomistemaghrebin.com, le président du Comité de gestion du centre islamique aux Berges du lac et proche collaborateur de feu Salah Abdallah Kamel, Mahfoudh Barouni, revient sur le parcours du défunt et sa relation particulière avec la Tunisie.
En effet, Mahfoudh Barouni était un proche collaborateur de Salah Kamel depuis 1984. Actuellement, il est le président du Comité de gestion du centre islamique des Berges du lac. D’ailleurs, cette institution a été fondée en 1988 suite à la promulgation d’une loi . Et depuis, elle est financée par l’homme d’affaires saoudien. Elle se compose d’un dispensaire, d’une bibliothèque, d’un Kotabe et d’une mosquée. L’institution a fait l’objet d’une donation au profit de l’Etat.
« Depuis ce temps-là, Salah Abdallah Kamel finance intégralement ce centre », lance-t-il. Pour lui, il était un investisseur d’exception en Tunisie depuis 1983. Il a fondé plusieurs projets. Le premier était Best Bank (actuellement Al Baraka Bank détenu à 80% par Groupe Al Baraka), son deuxième projet, La Société de Promotion du Lac de Tunis (SPLT) (détenu à 50% par Groupe Al Baraka), Al Baraka Bank Immobilière (détenu à 93% par Groupe Al Baraka), la Foire internationale de Tunis (détenu à plus de 90% par le Groupe Al Baraka) et les assurances Best Ré.
Un partenaire privilégié de la Tunisie
Si cet homme d’affaires saoudien est considéré parmi l’un des principaux partenaires privés internationaux de la Tunisie c’est pour plusieurs raisons. « C’est quelqu’un qui s’est donné comme ligne de conduite le développement et les partenariats ».
Pour notre interlocuteur, l’homme d’affaires saoudien est un exemple type du partenaire économique étranger pour la Tunisie. Car « il n’a jamais douté du sérieux des Tunisiens et de l’Etat tunisien », se rappelle-t-il. La preuve en est qu’il s’est lancé dans un partenariat avec l’Etat Tunisien pendant 50 ans. « Cela n’est pas donné à tout le monde, c’est un exemple à méditer », lance-t-il.
Revenant sur le projet des Berges du lac, « c’est un projet pour l’aménagement de 1300 hectares qui a commencé par l’assainissement du lac. Suite à l’assainissement, le projet a commencé par zone, Lac 1 puis Lac 2. « Maintenant nous sommes à presque 70% de l’objectif, à savoir l’aménagement, l’assainissement et l’investissement ».
Les partenaires, à savoir le Groupe Al Baraka et l’Etat tunisien ont décidé de ne distribuer les dividendes sur ce projet qu’après 25 ans. « Ce qui est historique », affirme notre interlocuteur.
Et de poursuivre : « Car chaque tranche du projet finance la tranche qui suit et ainsi de suite ». Ainsi, quand le projet est arrivé à un niveau de rentabilité jugé satisfaisant par l’investisseur. Les partenaires ont commencé à distribuer les dividendes.
Notre interlocuteur affirme également que le projet est repris dans le même contexte. « Maintenant on est en phase d’investissement ». Ce projet se présente comme le premier projet de partenariat public-privé (PPP) qui a réussi et qui continue à réussir. Et qui est d’une rentabilité exceptionnelle. « D’ailleurs, on a voulu en faire de même pour le Lac sud mais il a pris d’autres chemins ».
Une amitié étroite avec Habib Bourguiba
« Ce projet ne serait pas à ce niveau de réussite s’il n’y avait pas eu un homme visionnaire comme Habib Bourguiba ». C’est ce que disait l’homme d’affaires saoudien lors de plusieurs rencontres avec la presse.
L’homme d’affaire saoudien disait qu’il y avait quatre hommes qui ont contribué à l’essor et la réussite du projet du Lac. Il s’agit de Habib Bourguiba et Mohamed Sayah qui était à l’époque ministre de l’Equipement sans diplôme d’ingénieur. Du côté de l’entreprise, il y avait son frère Abdelaziz Kamel et le premier directeur général de la STLP, Fethi Gana.
D’ailleurs, le défunt avait une haute considération pour Habib Bourguiba. Notre invité déclare : « Salah Abdallah Kamel avait une admiration sans limite pour Habib Bourguiba en tant que Chef d’Etat. Il le cite comme un patriote et visionnaire. Il y avait comme une symbiose et une confiance réciproques », continue-t-il.
Salah Abdallah Kamel ne ratait jamais l’anniversaire de Habib Bourguiba. « Le 3 août était toujours mentionné sur son agenda », lance-t-il.
Et si on parlait finances ?
Arrivé en Tunisie, il a exigé la fondation d’une banque participative. C’est pour cette raison que Best Bank a vu le jour. « C’était un plaisir pour moi d’y participer », lance-t-il.
Se rappelant des réunions des directeurs exécutifs avec Salah Abdallah Kamel, il indique que « chaque mot de lui était une véritable leçon de vision et de management ».
« C’était quelqu’un qui croyait au partage. Il croit également que pour développer l’investissement il faut donner des exemples de success stories. Il ne cesse de dire investir en Tunisie n’est pas facile. Mais si vous arrivez à le faire, vous avez des compétences extraordinaires ».
La Zakat comme un outil économique
Par ailleurs, l’homme d’affaires saoudien affirmait que la Tunisie travaille dans la transparence, la justice et l’équité. Le Cheikh affirmait qu’il n’a connu aucun incident à ce niveau-là. « Pour moi c’était une icône », lance-t-il. Par ailleurs, notre interlocuteur regrette que l’homme d’affaires saoudien n’ait pu réaliser un projet touristique à Ghar El Milh (Bizerte). « Il a dépensé les frais d’étude mais il n’a pas continué, car l’orientation n’était pas conforme à ses attentes », précise-t-il.
Revenant sur la Foire internationale de Tunis, notre interlocuteur affirme que Cheikh Salah Kamel voulait en faire un centre de commerce international permanent. Il a, également, investi dans plus de 45 pays. La vision de cet homme d’affaires était la construction et le principe de l’homme comme héritier de Dieu.
« Si on a de l’argent ce n’est pas pour se divertir. Mais nous avons une mission, à savoir la construction », note-t-il.
« Sur le plan humain, il était d’un grand humanisme. C’était un père et un grand frère », dit-il avec émotion.
Le défunt considérait la Zakat comme un modèle de distribution des richesses et de soutien aux PME. Pour lui, la Zakat peut créer des emplois. Afin que les gens quittent le monde des nécessiteux vers celui des producteurs et donneurs de zakat. L’homme d’affaires saoudien considère que la Zakat a un rôle important à jouer dans cette période critique. Où la pandémie Covid-19 fait des ravages. « Il a toujours parlé des effets économiques et sociaux de la Zakat », conclut-il.