Le Secrétaire général de l’Alliance Atlantique a affirmé, le 14 mai 2020, dans une interview au quotidien italien « La Repubblica », que l’OTAN est disposée à venir en aide au « gouvernement légitime » en Libye. Estimant « qu’il n’est pas possible de mettre dans le même sac le gouvernement al-Sarraj, reconnu par l’ONU, et Haftar ». Sa position s’expliquerait par l’appartenance turque à l’Otan. S’agit-il d’un changement de politique ?
Cette déclaration aurait donné le feu vert à la Turquie. Son passage à l’acte et la mobilisation de ses moyens ont permis au gouvernement al-Sarraj de reprendre la base militaire d’Al-Watiya. A l’ouest de Tripoli. Grâce à l’armement et des drones turcs et des milliers d’islamistes syriens recrutés par Ankara. Haftar occupait cette base depuis une dizaine d’années.
Ne sous-estimons pas l’événement. Il s’agit bel et bien d’un repli forcé des troupes de l’armée et non d’un retrait tactique. D’ailleurs, les partisans de Haftar ont essuyé de cuisants revers. Et ce, en perdant le contrôle des localités côtières de Sabratha et Sorman, à l’Ouest de Tripoli.
Au final, la reprise de la base militaire d’Al-Watiya mettra-t-elle fin à l’offensive que le maréchal dissident a déclenchée en avril 2019 contre le GAN siégeant à Tripoli ? Haftar a-t-il perdu la guerre ou simplement une bataille ?
Ces revers de l’armée de Haftar confirment la montée en puissance des Turcs dans le pays. Aliénera-t-elle la souveraineté libyenne ? Peut-on parler de l’institution d’un « protectorat » turc de la Libye, vue la politique néo-ottomane engagée par le président Erdogan ?
A plus ou moins long terme, la société libyenne s’offusquerait de cette domination. Les pays du voisinage l’Egypte, l’Algérie et la Tunisie s’accommoderaient difficilement de cette présence active et expansionniste à leurs frontières.
En dépit de l’alignement d’Ennahdha sur la Turquie – idéologie oblige ! – la Tunisie ne cache pas son inquiétude. D’ailleurs, son parlement n’a pas ratifié les accords inégaux entre la Tunisie, Qatar et Ankara, que le gouvernement lui a proposés.
Il va sans dire que les pays nord-européens n’apprécieraient pas la prise du champ méditerranéen, comme otage de l’ambition turque, servie par l’islam politique.