Imposée d’autorité, à vrai dire bancale, l’augmentation extraordinaire des frais consulaires que doivent acquitter les Tunisiens à l’étranger laisse coi. Dans un premier temps seulement.
A la réflexion, l’augmentation des frais consulaires, c’est non seulement injuste, mais aussi inégalitaire, et même crypto-raciste, à rebours de soi. Et voici pourquoi.
Cet impôt indirect, qui se conçoit aussi bien que ce qu’acquittent les citoyens, pour les mêmes services, dans les municipalités et les services de police sur le territoire national, ce prélèvement pécuniaire pour services publics administratifs n’est rien que de très banal.
Mais c’est pousser le bouchon très, voire trop loin que de procéder, d’ailleurs à la va-vite, à cet accroissement jamais vu, sans commune mesure. Du simple au double ? Non. Pourquoi lésiner sur l’inflation ? Du simple au triple ! Est-ce, tout comme le coronavirus nous est venu de l’étranger, le signe avant-coureur d’une hyperinflation qui nous guette au pays au sortir de la stagnation due à la gestion du Covid-19 et de ses contrecoups planétaires ?
Toujours est-il que, écrit, dans une lettre ouverte au président Kaïs Saïed, le directeur de la radio française « France Maghreb 2« , Tarek Mami, « les Tunisiens résidents à l’étranger, ambassadeurs de la Tunisie, viennent d’apprendre, par simple affichage mural dans les consulats, en pleine crise sanitaire mondiale de la Covid-19, avec effroi, surprise, étonnement, et stupéfaction qu’à compter du 12 mai 2020, le tarif de leur passeport tunisien, d’une durée de cinq ans, passe, subitement, de 30€ (près de 100 dinars tunisiens), payable en espèces, à 88€ (près de 300 dinars tunisiens). Soit une augmentation vertigineuse de près de 300%. Et le double du coût du passeport français, qui est de 96€ ».
Un comble de division de la Tunisie
En Tunisie, prendre les Z’migris pour des vaches à lait est, au demeurant, un sport national, qui a donné lieu, naguère, au spectacle humoristique, fluide ou controversé selon des avis divergents, de Mohamed Ali Nahdi.
On entend même, dans les radios bénéficiant des plus hauts audimats, des chroniqueurs, par ailleurs de talent, estimer que les Tunisiens en provenance de l’étranger, comme s’il s’agissait de pièces tout juste rapportées qu’on pourrait peut-être même répudier à l’occasion, doivent, à leurs yeux naturellement, payer de leurs propres deniers les séjours de leur confinement obligatoire d’environ une semaine.
Comme si, parmi ceux-ci, il n’existe pas de pauvres ! L’Euro, le Dollar et les Pétrodollars ont décidément bons dos. Mais, en l’absence d’une augmentation aussi étourdissante et sensationnelle des frais pratiqués en Tunisie même, cela s’appelle tout simplement du racisme à rebours.
Autrement dit, selon cette cette formule, que le Tunisien peut, plus souvent qu’à son tour, présenter ainsi une face de crypto-racisme envers son autre lui-même ! Un comble de division de la Tunisie. Psychanalytiquement, on appellerait ça de la Tunisophrénie.
Mais notre pays et ses dirigeants savent reculer quand il n’y a pas lieu d’imposer. Bourguiba, lui, l’a fait à au moins deux reprises, en 1969, avec son coup d’arrêt au socialisme de bureaucrates profanes, et en 1984, avec la suspension sine die des accroissements des prix des denrées de première nécessité comblant des augmentations salariales antérieures consenties avec des chèques budgétaires sans provision.
Faut-il de nos jours une révolte sourde ou des émeutes sanglantes pour raison garder ?