En apparence, l’arrêt de l’émission politique animée par Myriam Belkhadi est consécutif à des « restrictions budgétaires ». Mais la vérité c’est qu’on cherche à faire taire une voix qui dérange. Un coup dur pour la liberté de la presse.
« Chers amis, chers téléspectateurs. C’est avec le cœur gros que je vous annonce l’arrêt momentané de votre talk-show quotidien Tounes El Yaoum sur ElHiwar Ettounsi; et ce pour des raisons de restrictions budgétaires décidées par la direction de la chaîne« . C’est par ce court paragraphe laconique que la célèbre journaliste et animatrice Myriam Belkhadi a annoncé sur sa page FB l’arrêt momentané de son émission phare. Et ce, pour des raisons purement financières. Une explication qui ne convainc personne. En attendant que le trio composé de l’animatrice, de Lotfi Laamari et de la succulente Maya Ksouri éclaire nos lanternes. Et ce, par une conférence de presse, sur les dessous de cette énigmatique affaire.
D’autant plus que ce genre de plateau, animé par quelques chroniqueurs et invités politiques, ne coûte rien. Comparé aux émissions de divertissement totalement débiles diffusées par ElHiwar Ettounssi.
Précarité et instabilité
Certes, l’arrêt brutal d’un talk-show très suivi par les Tunisiens nous interpelle tous sur la précarité des médias audiovisuels. Et il jette une lumière crue, notamment sur les supports écrits, voués à disparaître. A moins d’une intervention énergique de l’Etat pour sauver ce secteur agonisant. Lequel vit exclusivement de revenus publicitaires devenus parcimonieux en ces temps de crise.
C’est même à se demander si l’instabilité du secteur ne fait pas l’affaire des politiques qui veulent que cette situation perdure. Pour avoir la mainmise indirecte sur les médias. Et ce, en contrôlant la manne publicitaire, les empêchant ainsi de jouer leur rôle naturel: celui de garde-fou contre les dépassements des uns et des autres; et de vigile sourcilleux de notre jeune démocratie.
De quelles restrictions budgétaires parle-t-on?
Pour revenir aux raisons invoquées par Myriam Belkhadi, celles des « restrictions budgétaires décidées par la direction de la chaîne ». Il convient de rappeler qu’à l’instar d’autres chaînes privées, ElHiwar Ettounissi traverse une période difficile due à la conjoncture économique actuelle aggravée par l’épidémie de Coronavirus. Sans oublier que son propriétaire, Sami Fehri, est toujours détenu à El Mornaguia pour des raisons obscures.
Cependant, durant le mois de ramadan, période de vaches grasses pour les télévisions grâce aux revenus publicitaires, un rapport publié récemment par la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle indique qu’Elhiwar Ettounssi s’est approprié le quart des spots publicitaires, derrière Attessia TV qui caracole à 55% de la part de ce marché juteux. Et ce, pendant la première semaine du mois saint.
Une émission qui dérange
Force est de constater que les raisons financières ne sont donc qu’un paravent qui cache les vrais motifs de l’arrêt brutal de cette émission politique. L’une des meilleures dans le paysage audiovisuel en Tunisie. Il s’agit de chercher à museler une voix libre et de rétrécir ainsi le champ des libertés.
Car disons-le tout de go: le plateau politique de Myriam Belkhadi, de par sa modernité et son attachement aux valeurs républicaines, dérange les esprits obscurs attachés à un passé révolu. Car il va droit au but sur le quotidien des Tunisiens avec sérieux et sans langue de bois.
Vers un troc infâme?
Et comme le propriétaire de la chaîne, objet de toutes les haines, traîne des casseroles judiciaires, n’est-il pas permis de penser qu’il s’agit d’un troc infâme: la libération de Sami Fehri en contrepartie de la mise à l’écart de certains journalistes; les derniers chevaliers de la plume libre?