Militant déjà à l’âge de seize ans, alors qu’il fréquentait le lycée, contre la colonisation française, il fut de tous les combats dans son pays. Il est un des pères de l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) et le premier Premier ministre d’alternance dans le monde arabe. « Abderrahmane Youssoufi personnifiait l’histoire du Maroc ».
Dans un article publié le 29 mai 2020, notre confrère Jamal Berraoui, du magazine marocain « Challenge », hebdomadaire économique marocain, ne pouvait sans doute mieux relater le parcours de l’homme d’Etat exceptionnel que fut Abderrahmane Youssoufi, décédé le même jour à Casablanca (capitale économique du Royaume chérifien).
L’homme a, pour ainsi dire, traversé les siècles en étant un des acteurs principaux du Royaume alaouite durant le XX ème siècle. Né à Tanger, dans le Nord du Maroc, en 1924 (il est mort à 96 ans), il s’engage très jeune (seize ans) dans le militantisme, alors qu’il est élève au Lycée Moulay Youssef, un des bastions du nationalisme marocain, à Casablanca. Il est de tous les combats contre la colonisation française.
C’est également très tôt (dix-neuf ans) qu’il adhère et milite dans les rangs du parti de l’Istiqlal, un des porte-drapeaux de la lutte pour l’indépendance du Maroc. Il se charge d’organiser la lutte dans les rangs de la classe ouvrière. Tâche dont il va également s’occuper en France lorsqu’il part pour achever ses études en droit et en sciences politiques.
Il fait la connaissance, au cours de son parcours politique, d’hommes de grande valeur et de grande probité dont les noms sont retenus par tout le Maroc en tant que militants sincères et dévoués : notamment Mehdi Ben Barka, Mohamed Basri, Mahjoub Ben Seddik, Abderrahim Bouabid et Abdallah Ibrahim.
Il milite dans l’Istiqlal. Mais ce militant de gauche préfère créer, avec ces derniers, un parti vraiment de gauche. L’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP) naît donc en 1959. Le parti change de nom en 1975 pour devenir l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP). Nom qu’il garde jusqu’à aujourd’hui et qui marque une réelle orientation de gauche.
« Ce jeune roi vous surprendra positivement »
Son combat politique ne sera pas un long fleuve tranquille. Et ce, dans la mesure où il aura quelques passages à vide et devra accomplir un séjour à l’étranger. Son parti vainqueur des législatives de 1977, il est choisi par Hassan II pour conduire un gouvernement. d’alternance.
Une initiative saluée bien au-delà du Maroc. Un acte de courage et de génie politique comme savent les réussir les monarques chérifiens. Une initiative qui est considérée comme une première dans le monde arabe.
Les monarques chérifiens ont du reste toujours pu négocier de grands rendez-vous historiques. Feu le Roi Mohamed V, le père de Hassan II, a été – faut-il le rappeler ? – le père de l’indépendance du Maroc. Les autorités coloniales ont voulu le destituer. En vain. Il revient victorieux de son exil, en novembre 1955, accueilli triomphalement par son peuple.
Le Roi Mohamed VI a, pour sa part, réussi des initiatives progressistes. Celles-ci ont permis de mettre le Maroc sur la voie de la modernité. Avec au moins deux réalisations de première importance : la Constitution de 2011, qui a également favorisé l’alternance, et la politique de régionalisation avancée qui a dessiné de nouveaux contours d’un développement économique harmonieux de son pays.
C’est d’ailleurs Mohamed VI qui décide en accédant au trône, en 1999, de nommer de nouveau Abderrahmane Youssoufi Premier ministre et le laisser accomplir sa mission jusqu’aux législatives de 2002. Date de son remplacement par Driss Jettou.
L’attachement d’Abderrahamne Youssoufi au Roi Mohamed VI est du reste de notoriété publique. Voilà ce qu’il a dit dans sa dernière interview donnée à notre confrère marocain Tel quel, en juillet 2019, à l’occasion des vingt ans de règne du roi : « J’avais confié à un journal français que ce jeune roi vous surprendra positivement. Ce fut exactement le cas. Sa Majesté a été un grand réformateur ».