Une partie du patrimoine tunisien d’une valeur inestimable sera prochainement mis aux enchères à l’hôtel Drouot, dans la capitale française. Les autorités tunisiennes campent sur leur position, dans un mutisme honteux et une indifférence coupable.
En effet, le 11 juin prochain ne sera pas un jour de gloire pour la Tunisie. Puisqu’en cette triste date aura lieu une exposition pompeusement baptisée « Noblesse et Royauté: Arts de l’islam – Orientalisme ». Ce jour là, une partie du patrimoine national tunisien sera vendue aux enchères, à l’hôtel Drouot à Paris. Elle est représentée par des articles d’une valeur inestimable. Ils appartiennent à la période beylicale en Tunisie. Et ce, au vu et au su du ministère des Affaires culturelles et de l’Institut national de patrimoine. Lesquels ont apparemment d’autres chats à fouetter que de défendre et conserver un pan de notre mémoire collective.
Le Coran de Moncef Bey aux enchères
Ainsi, le clou de cette honteuse vente aux enchères est le fameux Coran de Moncef Bey, nommé le Bey martyr ou le Bey du peuple. Il régna du 19 juin 1942 au 15 mai 1943. Avant d’être brutalement destitué par les autorités coloniales françaises et envoyé en exil à Laghouat. Un exil aux confins du désert algérien pour ses positions nationalistes.
Estimé pour la modique somme de 3000/3500 euros par les experts des ventes, le livre Saint, avait été offert à Moncef Bey, le 13 août 1942, par cheikh Ahmed Ouertani.
Car, cette œuvre d’art datée du 18e siècle est devenue ensuite propriété de Lahbib Jallouli (1879-1957), Caïd de Kairouan, de Nabeul et de Béja. Il fut ensuite ministre de la Plume et ministre de la Justice du Bey. Avant d’être récupérée par ses héritiers et conservée par son fils Ahmed.
Un trésor national à brader
Par ailleurs, beaucoup d’experts souhaitent garder cette pièce rare dans le giron des musées tunisiens. En outre, un document signé par Kheiredine Pacha, Général de Division et adressé le 28 mars 1869 au secrétaire de Sadok Bey, fait partie des articles qui seront cédés l’hôtel Drouot.
De même, d’autres pièces figurent dans cette exposition. Notamment: des décorations de l’Ordre du Nichan al Iftikhar datant du 19ème siècle sous le règne de Ahmed Bey (1929-1942); des bijoux beylicaux; armureries de l’époque husseïnite; des manuscrits de moindre importance; ainsi que des objets historiques dont une garde-robe ayant appartenu à Lahbib Djellouli.
Casse-tête juridique
Or, le problème qui se pose est de savoir si l’Etat tunisien est en mesure d’intervenir juridiquement. Et ce, pour empêcher la mise aux enchères d’une partie du patrimoine national tunisien, même s’il s’agit d’une collection privée?
La réponse est oui. Puisque, selon le directeur de l’Institut National du Patrimoine (INP), interpellé à ce sujet hier soir sur le plateau d’Attassia, la famille Jallouli n’avait pas reçu l’aval du ministère des Affaires culturelles. Et ce, pour délocaliser cette collection en dehors de la Tunisie. Ce qui rend sa vente pratiquement caduque.
Mais de quel Etat parle-t-on? Quand on se rappelle que de coutume, c’est l’ambassadeur de la Tunisie en France qui est habilité. Car, c’est bien lui qui effectue les démarches diplomatiques et juridiques de la récupération de nos richesses nationales. Or, nous n’avons pas de représentation diplomatique à ce niveau en France… depuis plus de six mois.