Ennahdha met la pression afin de faire écarter le parti Echaab de la coalition gouvernementale pour laisser la place à son allié Qalb Tounes. Et ce, « pour garantir la stabilité du gouvernement », avancent les dirigeants du parti islamiste sans rire.
De toute évidence, la trêve politique imposée par la crise du coronavirus n’a pas résisté longtemps aux profondes divergences politiques. Et notamment celles entre le parti Echaab et le Mouvement Ennahdha. Elles se teintent d’idéologie qui séparent les formations politiques faisant partie du gouvernement d’Elyes Fakhfakh. Mettant ainsi en péril la stabilité gouvernementale.
Un gouvernement hétérogène
A noter à ce propos que dès la formation de ce gouvernement né aux forceps, beaucoup d’observateurs politiques ne misaient pas un copeck. Et ce, sur la durée de cette équipe morcelée et hétérogène aux orientations politiques souvent inconciliables.
En effet, et pour illustrer cet état d’éparpillement, il convient de signaler que depuis le départ, Ennahdha mettait tout son poids dans la balance pour faire écarter le Tayyar de Mohamed Abbou et Echaab. Tout en exigeant de faire participer son allié contre-nature, Qalb Tounes, au gouvernement. Chose qu’a refusée catégoriquement le chef du gouvernement; avec le soutien manifeste du président de la République.
Mais, fidèle à sa tactique habituelle, le parti de Rached Ghannouchi a fini par accorder sa confiance au nouveau gouvernement. En attendant le moment propice pour revenir à la charge.
D’ailleurs, pour calmer le jeu, le chef du gouvernement a proposé un pacte de solidarité et de stabilité gouvernementale. Et ce, aux formations politiques membres de la coalition gouvernementale. Objectifs: moraliser la vie politique; mettre un terme aux « guéguerres »; et instaurer un minimum d’harmonie entre les têtes fortes de l’équipe gouvernementale. Mais ce document n’a toujours pas été signé à cause de l’opposition d’Ennahdha.
Et c’est l’affaire du projet de motion sur le refus de l’ingérence des puissances étrangères en Libye qui a mis le feu au poudre entre Ennahdha et le Mouvement du peuple. Ainsi, on a vu Ennahdha, la Coalition Al Karama et Attayar de Mohamed Abbou voter contre la motion. Alors que Echaab et Tahya Tounes votait pour; s’alignant ainsi sur le PDL d’Abir Moussi.
« Trahison »
Profitant de l’aubaine, le président du groupe Ennahdha au parlement, Noureddine Bhiri, a accusé le mouvement Echaab d’alliance avec le parti destourien Libre (PDL). Soulignant que « si cette attitude persiste, elle rendra l’appartenance d’Echaab à la coalition au pouvoir insensée ».
Selon lui, Echaab est censé soutenir la coalition gouvernementale. Mais « il a choisi, lors de la dernière plénière, de s’aligner avec le PDL. En votant pour la motion de ce parti et viser le président du parlement par des propos diffamatoires ».
Rancune
Pour sa part, le député du mouvement Echaab, Khaled Krichi, a assuré que l’attitude d’Ennahda « est une réaction à l’attachement d’Echaab au « gouvernement du président ». Et une sanction pour son rejet du gouvernement de Habib Jemli. Ennahdha n’a toujours pas pu pardonner à Echaab de lui avoir ôté le monopole du pouvoir ».
Etant sur la même longueur d’ondes, le dirigeant d’Echaab, Salem Labyadh, avait affirmé dans une publication sur sa page facebook, que le gouvernement Fakhfakh ne tombera pas s’il perd le soutien d’Ennahdha. « Ce gouvernement ne sera menacé qu’au cas où 109 députés lui retirent la confiance, » a-t-il argué. Soulignant que « l’intérêt de la patrie doit être placé au-dessus de ceux des partis ».
Désormais, on assiste à un violent bras de fer entre deux formations politiques que tout oppose. Sur fond de blessures profondes qui peinent à se cicatriser.