L’ancien ministre des Affaires étrangères, Khemais Jhinaoui, a été invité hier pour se prononcer sur la motion d’Al Karama exigeant des excuses de l’Etat français pour les crimes commis pendant la colonisation.
Khemais Jhinaoui a jugé qu’il s’agit d’une « perte de temps ». Alors que des jeunes protestataires bloquent le passage des camions appartenant aux sociétés d’exploitation de gaz et de pétrole près d’El Kamour, pour réclamer des emplois et des investissements dans cette zone marginalisée, l’approvisionnement du phosphate est interrompu dans le bassin minier de Gafsa et que la tension sociale monte crescendo partout dans le pays dans cet été de tous les dangers, nos élus préfèrent débattre du sexe des anges. Comme s’ils n’avaient pas d’autres chats à fouetter. Et ce, lors d’une séance plénière qui s’est terminée, hier soir, tard dans la nuit.
Motion rejetée faute de quorum
Médusés, et comme si c’était l’urgence du moment, les téléspectateurs assistaient sur Al Watania 2 au spectacle surréaliste d’élus du peuple qui débattaient d’une motion d’Al Karama. Laquelle exhorte le Parlement à demander des excuses ouvertes et officielles de l’Etat français pour les crimes commis contre le peuple et l’Etat tunisiens « pendant et après la colonisation et notamment les assassinats, les crimes de torture, l’exil forcé, le pillage des ressources naturelles et le soutien des régimes despotiques et de la dictature ».
A savoir que le texte n’a pas obtenu les 109 voix nécessaires à son adoption, 77 ont voté pour 5 contre et 46 se sont abstenus.
Bourguiba « un sbire de la France »
Il convient de rappeler que lors de cette houleuse séance, Rached Khiari, un ancien de la Coalition Al Karama, a provoqué un tollé de protestations en traitant le Combattant suprême, Habib Bourguib, de « sbire au service de l’occupant français ». Ajoutant que « le supposé accord d’indépendance de la Tunisie n’était qu’une pièce de théâtre. Et que Salah Ben Youssef avait dévoilé le complot ».
Et de conclure avec sa logique implacable : « Jamais un Etat ne rend hommage à celui qui prétend l’avoir mis dehors. La France a érigé une statue pour le « Combattant suprême » au cœur de sa capitale Paris. Car les Etats coloniaux ne rendent hommage qu’à leurs sbires ».
« Inutile de brouiller les relations avec la France »
Mais qui mieux que l’ancien ministre des Affaires étrangères, Khemaïes Jhinaoui peut éclairer nos lanternes sur ce sujet sensible ?
Dans son intervention sur les ondes d’une radio locale, Khemaïes Jhinaoui a déclaré ne voir aucun intérêt de perdre une journée entière sous l’hémicycle pour exiger des excuses « La France a certes commis des crimes en Tunisie, mais en quoi cela nous avancerait de passer une journée entière à examiner ladite motion ? En tant qu’ancien ministre des Affaires étrangères, cela ne me convient pas de brouiller les relations avec la France ».
Et d’ajouter : « La motion en question est une affaire de politique interne propre à la Coalition al-Karama qui veut prouver à son électorat son attachement à ses promesses ».
Qu’aurions-nous fait si la motion avait été adoptée ? « Ceci ne ferait que compliquer les relations bilatérales avec la France. Ce pays est notre partenaire économique et commercial le plus important ».
Et de conclure : « n’est-il pas plus pressant de nous pencher sur la situation catastrophique de notre économie » ?
Disons pour conclure que sur la même lancée, pourquoi ne pas demander en plus des comptes aux Phéniciens bâtisseurs de Carthage. Ainsi qu’ aux Romains, Byzantins, Espagnols et Turcs ? Tant que nous y sommes.