La Tunisie aura plusieurs opportunités à saisir sur le marché européen, après la fin de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19. C’est ce qu’il ressort, entre autres, d’un Webcast. Il s’intitule: « Baromètre EY de l’attractivité de l’Europe post COVID-19 : Implications et enseignements pour l’économie tunisienne ».
Organisé par Ernst & Young Tunisie, le Webcast a réuni plusieurs intervenants. Et c’est le directeur général d’EY Tunisie qui a pris soin de modérer le débat. Lors de son intervention, Mounir Ghazal,i associé EY Tunis, a rappelé que l’impact de la crise Covid-19 en termes de croissance en Tunisie est de -4,3% selon le FMI.
Pour lui, les secteurs de l’électrique/électronique, de la mécanique et du textile ont subi la crise que traverse l’Europe qui est la principale partenaire économique de la Tunisie. Expliquant ce constat, il affirme que ces secteurs sont particulièrement liés au secteur de l’automobile. Avec notamment la fabrication des pièces d’automobile et attirent la plus grande part de l’automobile.
De plus, ces secteurs participent activement à la création de la valeur ajoutée. Ce constat montre également que les secteurs les plus impactés par la crise sont ceux liés aux IDE. D’ailleurs, les secteurs précités représentent plus de 66% de l’ensemble des IDE attirés entre 2015 et 2018.
En effet, 83% des dirigeants interrogés dans le cadre de « EY attrativeness Survey » s’attendent à une reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiale suite à la pandémie de Covid-19. Avec une accentuation sur le Nearshoring et l’implémentation de certains sites de production dans les zones frontalières en Afrique et en Europe.
De la nécessité de saisir les opportunités de la relocalisation régionale
Il considère que dans un scénario de relocalisation régionale à long et moyen termes de l’équivalent de 10% des exportations chinoises cela représentera 50 milliards de dollars. Soit un marché additionnel de 28% pour les pays du sud de la Méditerranée. Ainsi, « la régionalisation pressentie des supply chain industrielles est un gisement de croissance potentielle à moyen et à long termes pour les pays de la rive sud; mais la concurrence demeure féroce ».
L’intervenant rappelle que suite à la pandémie, la Chine représente le premier exportateur vers les pays européens. D’ailleurs, en 2019, le pays a exporté 360 milliards de dollars vers l’Union européenne qui a connu au premier trimestre 2020 une baisse de 4,8% en comparaison avec la même période de 2019. Les importations de la Chine connaissent une baisse de l’ordre de 19,5% à ce jour. Ce qui laisse présager une baisse importante à venir des exportations du pays.
Pour une internationalisation des entreprises tunisiennes via des acquisitions sur les marchés cibles
Ainsi, l’intervenant affirme que le taux de défaillance observé chez les entreprises françaises atteste à la fois des difficultés connues par les différents secteurs économiques français et d’une opportunité à saisir pour les entreprises tunisiennes.
Il indique également que cette situation permettrait d’établir des bases avancées pour les entreprises tunisiennes au niveau des marchés cibles. Ce qui est l’étape manquante dans l’optique de la montée de gamme de l’industrie tunisienne. A travers l’intégration en amont (R&D et conception) et en aval (logistiques service et autres) de son activité. De même, Mounir Ghazali affirme que le secteur du textile habillement et des chaussures verra une reprise lente. Car après la crise, les consommateurs chercheront à limiter les dépenses discrétionnaires et devront avoir un impact négatif sur la demande internationale.
En termes d’exportation, les secteurs de l’électronique et de l’électricité sont fortement liés à la situation du secteur de l’automobile. La demande différée des voitures rebondira avec la reprise économique et le revenu disponible des ménages. Cependant, les tensions financières et la précarité persistante de l’emploi résultat du ralentissement économique peuvent durer dans le temps.
Les exportations tunisiennes ont connu une baisse de 20,6% au premier trimestre 2020
En effet, au cours des premiers quatre mois de l’année 2020, les échanges commerciaux de la Tunisie avec l’extérieur ont atteint 12 milliards en exportation et 17 milliards de dinars en importations. Enregistrant ainsi une baisse de l’ordre de 20,6% à l’export et 21,5% à l’import, par rapport à la même période de 2019.
Chiffres éloquents sur la situation de l’Union européenne pendant la crise Covid-19
Pour sa part, Marc LHERMITTE, Partner EY Paris, affirme que 66% des multinationales basées en Europe envisagent une réduction de leur investissement en 2020 et 23% de report à 2021 au moins. Répondant à la question « dans vos futurs choix de localisation quels sont vos critères de choix des pays ? » 80% des interrogés ont affirmé que le critère principal porte sur les facteurs conjoncturels liés au plan de relance. 71% des interrogés ont affirmé que l’adoption du digital dans les pays devraient guider les arbitrages à moyen terme. Ainsi, trois grandes priorités pour les futurs investissements s’imposent. A savoir: l’accélération technologique, l’urgence climatique et la dé-mondialisation. Notons que l’étude a été réalisée fin avril, début mai.
Les trois solutions pour vaincre la COVID-19
Intervenant dans le débat, le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale, Slim Azzabi, affirme que trois mesures ont permis d’endiguer la crise en Tunisie. Il s’agit du choix du confinement obligatoire, le tracking des clusters et la fermeture des frontières. Ainsi, il estime que le gouvernement a pris des décisions courageuses et audacieuses.
Par ailleurs, il affirme que l’outil de l’ordonnance donné par le parlement a beaucoup aidé le gouvernement. Et ce, pour adopter plusieurs projets de loi importants. Sur un autre volet, il indique que l’investissement est aujourd’hui fondamental. L’endettement, notamment extérieur, atteint des sommets et les taux d’investissement (18%) et d’épargne (8%) demeurent très faibles. Il est nécessaire d’attirer les IDE pour doper l’économie tunisienne, lance-t-il.
« Le gouvernement doit passer d’une approche macro à une approche méso et faire du porte-à-porte pour gagner les marchés et regagner la confiance des citoyens », déclare-t-il. Il affirme également qu’il souhaite lancer cette approche avant la fin de l’année. L’objectif étant d’avoir des résultats rapides.
Les trois enjeux des entreprises tunisiennes
De son côté, Sami ZAOUI, Partner EY Tunisie, estime que les entreprises tunisiennes font face à trois enjeux. Le premier est celui de la modernisation des outils de la production. Cela se fait à travers la digitalisation et l’obtention de plusieurs certifications.
Le deuxième enjeu est celui de la croissance externe. Pour lui, il suffit d’y croire et de saisir les bonnes opportunités. Quant au troisième enjeu, il porte sur le marketing et le savoir vendre au mieux la profession et les capacités.
Amine Ben Ayed, Directeur général Misfat Tunisie, affirme que la Tunisie est un des pays les plus compétitifs dans le monde. Et « nous n’en sommes pas conscients au sein de nos propres frontières ». Pour lui, les capacités asiatiques destinées vers l’Europe sont massives. Donc, il « serait illusoire de penser qu’on pourra se substituer à cet acteur ». Et de continuer : « Il est nécessaire d’adopter une approche gagnant-gagnant, en ciblant des niches et en cherchant à partager les chaînes de valeur pour permettre la création de valeur dans les deux régions. »