L’allocution du Chef du Gouvernement (CDG) a apporté quelques éclaircissements sur certains points économiques importants, avec à la clé des chiffres inédits, qui font d’ailleurs froid dans le dos : -4,5% de recul pour le PIB en 2020. Pourtant, au cours de la semaine, la Banque Mondiale avait plutôt annoncé le chiffre de -4%.
Cela a un coût en termes de recettes fiscales avec une baisse estimée à 4,5 Mds TND par rapport à ce qui a été planifié. Il y a donc des pressions concrètes sur le Budget de l’Etat, mais le CDG a insisté sur la mobilisation des ressources internes et le respect des seuils d’endettement extérieur fixés par la Loi de finances 2020.
Le marché interne encore en encore
A cette date, l’équivalent de 5,1 MdsTND manque toujours pour clôturer le schéma de financement externe. Mais il sera assuré sans soucis avec les bailleurs de fonds.
L’Etat sollicitera donc encore le marché interne et des émissions de BTA/BTCT de 1,5 MdTND sont programmées. Les récentes mesures fiscales devraient apporter entre 1,3 et 1,5 MdTND, y compris l’emprunt obligataire solidaire.
La dette interne de cette année sera restructurée. Les 1,5 MdTND qui devraient être remboursés en 2020 seront plutôt rééchelonnés sur une période allant de 20 à 30 ans.
En même temps, la priorité sera accordée à l’allégement de la dette de l’Etat vis-à-vis des entreprises publiques et privées, dont l’encours s’élève à 8,5 MdsTND. 2,5 MdsTND sont programmés pour 2020.
Guerre sur la liquidité
Bien que l’arrêt de l’hémorragie de l’endettement extérieur soit nécessaire, il faut que d’autres actions accompagnent une telle décision.
Il ne faut pas oublier que le recours au marché local a battu des records en 2020. Au rythme annoncé, nous allons frôler les 5 MdsTND levés. En même temps, 1,5 MdTND ne serait pas remboursés, en particulier la ligne BTA 5,5% octobre 2020 (901 MTND).
C’est de la liquidité en moins pour le secteur bancaire. Ce secteur détient l’essentiel des titres de l’Etat. Encore une fois, nous allons nous retrouver dans une situation dans laquelle l’Etat s’accapare de la liquidité.
C’est vrai que la BCT est en train de mettre à la disposition du secteur le refinancement nécessaire. Mais si les banques se retrouvent obligées de reporter le remboursement des échéances des crédits qu’elles avaient accordés. Elles ne peuvent pas encaisser les produits de l’activité crédit durant 3 mois, et financent en priorité l’Etat, comment leur demander de financer l’entreprise ?
Cela sans oublier que l’augmentation du taux de la retenue à la source sur les produits de placement (avec un taux qui dépasse TMM-1%) pourrait nuire à l’attractivité des offres des banques et à leur capacité à mobiliser des ressources.
Le dilemme des investissements publics
Les sociétés qui sont en difficulté ont pu bénéficier de l’aide de l’Etat. Mais il faut penser maintenant à l’investissement et à sa relance. Oui, l’Etat ne peut plus faire tout mais il est la locomotive en Tunisie. Réduire les investissements publics n’est pas la bonne approche, même s’il est nécessaire en 2020. Garder cela en 2021 serait une erreur.
Si on veut réduire les dépenses, il faut commencer par la masse salariale et les entreprises publiques. C’est le moment où jamais et le CDG a reconnu que la situation est tellement délicate que le Gouvernement pourrait un jour être amené à décider la réduction des retraites et salaires des fonctionnaires si le dossier des entreprises publiques déficitaires n’est pas pris au sérieux.
C’est bien de commencer par le chapitre gouvernance, mais le chantier financier doit être lancé immédiatement. Même avec un bon Conseil d’Administration, ces entreprises continueraient à payer une masse salariale qui dépasse leur capacité. D’ailleurs, il ne faut jamais oublier la réaction des syndicats qui ne tarderait pas à venir dans les prochains jours et qui avorterait toute tentative de restructuration financière de ces « bijoux ».
Est-ce qu’avec cette approche, nous allons pouvoir réduire le recours à l’endettement extérieur ?
Si l’investissement privé (local et étranger) ne reprend pas et la demande en Europe ne retrouve pas ses niveaux historiques, les recettes fiscales ne pourront pas repartir à la hausse. Nous serons obligé de nous endetter davantage.
Il vaut mieux donc penser à réduire ses coûts locaux dès aujourd’hui pour se doter de la flexibilité financière nécessaire. N’oublions pas que le pays est incapable de supporter un second choc macroéconomique.