Historiquement sensible aux mesures fiscales qui touchent aux établissements financiers, la Bourse de Tunis s’est montrée plutôt sereine.
Une mesure qui semble, à première vue, passer inaperçue par une Place financière plus que jamais habituée aux surprises réglementaires.
Les pertes sont déjà actées
Les banques n’ont pas été particulièrement touchées par le décret-loi n° 2020-30 du 10 juin 2020. Ce décret a instauré un impôt complémentaire de 2% sur les banques, les établissements financiers (hors établissements de paiement), les compagnies d’assurance et de réassurance qu’elles soient conventionnelles ou islamiques. Une réaction qui reflète la conscience des investisseurs des conséquences de la crise sanitaire sur les résultats de 2020.
Depuis le début de l’année, l’indice des sociétés financières a perdu 10,5% de sa valeur. Une bonne partie des risques est actée dans les cours. Inutile donc de s’acharner, même si le secteur va payer plus. In fine, il n’y a pas de dividendes à percevoir et l’impact sur les fonds propres est peu significatif.
Apport moins important que prévu
Actuellement, la majorité des établissements concernés par cette contribution ont publié leurs comptes 2019. Leur nombre s’élève à 37 institutions financières.
Pour faire la simulation, nous avons retenu le résultat des activités ordinaires avant impôt comme base de calcul du montant de l’impôt supplémentaire. Et ce, en tenant compte d’un minimum d’impôt de 5 000 TND pour les établissements déficitaires.
Nous avons choisi de travailler sur les chiffres individuels car l’impôt consolidé n’est que théorique. Et comme la liste des sociétés est incomplète, nous avons appliqué une règle de trois en prenant le poids de notre échantillon par rapport à l’impôt global payé en 2018.
Les calculs confirment que l’impact est beaucoup moins important qu’attendu. Il serait de l’ordre de 49,881 MTND répartis comme suit: 42,709 MTND pour les banques; 6,169 MTND pour les assureurs; 0,862 MTND pour les compagnies de leasing; et 0,141 MTND des sociétés de factoring. Cela porterait le taux d’imposition effectif à 29,9%. L’impôt de l’industrie financière en 2019 dépasserait les 720 MTND.
Mais cela ne reste qu’un calcul approximatif car la détermination du résultat fiscal diffère de ce que nous observons dans les états financiers.
Enfin, si nous tenons compte de l’exercice actuel, très modeste, la collecte risque d’être moins importante l’année prochaine. Dans tous les cas de figures, l’impact global ne dépasserait pas 100 MTND en 2020-21.
Stratégies de coûts
Cela ne fait que confirmer que cette mesure ne permettrait pas de collecter beaucoup de recettes. Certes, les responsables du ministère des Finances savent bien cela. Ils disposent même des chiffres exacts. Néanmoins, leur marge de manœuvre est tellement faible qu’ils n’ont pas le choix. Outre les banques et les financières, toutes les entités ont des problèmes de liquidité. Elles ne peuvent pas faire l’objet de nouveaux prélèvements.
De leur part, les banques qui voient les pressions venir de partout, vont certainement repartir à la recherche de profits. Une hausse des frais et des commissions est peu probable, au moins à court terme. Nous pensons que l’accent sera plutôt mis sur la réduction des coûts.
Le problème de l’industrie financière est que les résultats d’une telle démarche ne seraient visibles qu’au bout de quelques années. L’essentiel des charges opérationnelles est lié aux frais de personnel, inflexibles. Puisqu’ils sont encadrés par une convention sectorielle. Reste donc les charges du réseau.
L’impact de la digitalisation n’est pas aussi important que certains le pensent car le Tunisien n’est pas encore prêt à déposer son argent et à le gérer à distance. Le contact humain est nécessaire et les agences totalement digitales ont un apport limité en matière commerciale.
Le secteur est donc à la croisée des chemins. Le jour d’une taille plus grande est venu. Pour être rentable, il faut augmenter rapidement de taille par la croissance externe. A bon entendeur.