Pour la présidente du PDL Abir Moussi, il est temps de passer à la vitesse supérieure. Les yeux rivés, comme nombre de courants politiques, sur les échéances de 2024, elle semble vouloir ratisser large en formant des alliances.
Le sit-in du 4 juillet 2020 du PDL, à l’Avenue Habib Bourguiba, pour protester contre le refus du Bureau de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) d’examiner une motion pour la classification des Frères Musulmans comme organisation terroristes, pourrait constituer un tournant. Abir Moussi est-elle partie pour la conquête du pouvoir?
La question ne cesse d’être posée au vu de la sympathie dont bénéficie la présidente du Parti Destourien Libre (PDL) auprès d’une frange importante de l’électorat. Une sympathie confirmée par de récentes enquêtes d’opinion qui placent le PDL tout juste derrière Ennahdha.
Le Baromètre politique de Sigma conseil, relayé par notre confrère « Le Maghreb », assurait, début juin 2020, que le parti islamiste et le Parti destourien étaient pratiquement au coude à coude si les élections avaient lieu à cette date: 24,3% pour le premier et 22,2% pour le second.
Le rassemblement organisé par le PDL, le 4 juillet 2020, à l’Avenue Habib Bourguiba, à l’occasion d’un sit-in pour protester contre le refus du Bureau de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) d’examiner une motion pour la classification des Frères Musulmans comme organisation terroristes a confirmé l’audience du PDL.
Certains, notamment parmi les militants et partisans du PDL, prennent-ils, à ce niveau, comme le pense leur adversaire, leur désir pour des réalités ? Difficile de pronostiquer –il est encore trop tôt pour le faire- une victoire du PDL en 2024.
Un vote de défiance
Mais une donnée est essentielle pour savoir si le parti destourien aura une réelle chance d’être aux commandes du pays. Au cours des prochaines échéances électorales. Cela va beaucoup dépendre de ce que feront, et pour l’essentiel, ses adversaires au cours des prochaines années.
En Tunisie, comme dans nombre de pays, le vote prend la forme d’une défiance voire d’une punition. Ceux qui gagnent ne sont pas jugés pour leur programme. Mais pour le programme de leur adversaire qui n’a pas donné des fruits.
Il faut admettre, à ce niveau de la réflexion, que le rendu des adversaires du PDL n’est pas le fruit seulement des errements de gouvernants qui ne savent pas gérer la chose publique. Elle est aussi structurelle et mentale. Comprenez qu’elle dépend du bon vouloir des Tunisiens d’aller de l’avant dans les réformes à engager. Ce qui constitue un handicap de taille. Et réveille souvent les mécontentements et les mouvements sociaux. Que l’on ne cesse d’observer.
Le PDL sait, en résumé, que tout est là. Et notamment après la crise sanitaire qui s’est abattue sur la Tunisie. Pour rendre la situation du pays intenable. Une situation face à laquelle les gouvernants n’ont pas véritablement de solution.
Il faudra faire des alliances
Une situation qui se complique encore avec les divisions de la classe politique constatées depuis bien longtemps. Et parce qu’un malheur n’arrive pas, pour ainsi dire, seul, la composition de l’ARP, marquée par des émiettements, aiguise les adversités. Elle oblige à des allées et venues qui ne peuvent que provoquer l’instabilité.
Le récent rapprochement entre Ennahdha, Qalb Tounes et la Coalition d’Al Karama n’est-il pas là pour nous éclairer davantage sur le fait que la recomposition du paysage politique (parlementaire et gouvernemental) est, pour ainsi dire, un éternel recommencement?
Que faut-il comprendre du contenu du communiqué du Bureau Politique d’Ennahdah, réuni le 4 juillet 2020, après les suspicions de conflit d’intérêts. Ce dernier a dit « reconsidérer » la position à l’égard du gouvernement et de la coalition dont elle est issue » et « la soumettre au Majless Echouraa » ?
La composition de l’ARP, marquée par des émiettements, aiguise les adversités et oblige à des allées et venues qui ne peuvent que provoquer l’instabilité
Toujours au chapitre des conditions nécessaires pour que le PDL puisse gouverner le pays, il faudra sans doute prendre en compte le Code électoral. Ce dernier ne peut favoriser, de l’avis de nombreux spécialistes, l’apparition d’une majorité nette. Il faudrait pour que cela puisse être possible le changer. Il été question un temps de muter vers un scrutin majoritaire uninominal à un ou deux tours. Et si cette réforme était dans les plans du chef de l’Etat, Kais Saïed. Figurant dans l’une de ses initiatives dont il a parlé le 23 mai 2020 dans son adresse aux Tunisiens.
L’appel lancé à Hassouna Nasfi, président du Bloc national à l’ARP, à rejoindre ce qu’elle a appelé le « Projet de redressement national de la Tunisie » participe d’une nouvelle initiative du PDL. Ce qui serait à ses yeux logique: il faudra des alliances pour aller à la conquête du pouvoir.
L’on ne peut ne pas souligner ici cependant que la charpente destourienne n’a pas totalement disparu du pays. Qu’il s’agisse de la pensée ou des hommes. Et cela n’est pas peu lorsqu’on veut avoir une place sous les lambris de la République.