Le chef du gouvernement annonçait dans la soirée du lundi 13 juillet son intention de procéder à un remaniement ministériel. Où les sept ministres d’Ennahdha seront écartés. Une initiative d’envergure qui va chambarder la scène politique tunisienne et brouiller totalement les cartes. Coup de tonnerre dans le ciel politique tunisien.
Prenant tout le monde à contrepied, cet homme que certains croyaient « politiquement mort », renaît soudain de ses cendres; tel un sphinx. Pour défier un conseil de la Choura lourdement omniprésent. Cette institution ayant eu l’arrogance et l’imprudence d’appeler le président de son bureau exécutif, Rached Ghannouchi. A entamer des négociations en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. Alors que Elyes Fakhfakh est toujours en poste. Piétinant de la sorte les prérogatives du président de la République.
L’aval de Taboubi, la bénédiction de Saïed
Et c’est après une réunion tripartite, hier lundi, au palais de Carthage. Où il a eu l’aval du SG de l’UGTT et la bénédiction du chef de l’Etat, prêt à en découdre avec le président de l’ARP. Que le chef du gouvernement, devançant la décision du Mouvement Ennahdha d’œuvrer à former « un paysage gouvernemental alternatif » décidait dans la soirée du lundi 13 juillet de procéder à un remaniement de son équipe au cours des prochains jours.
Pour rappel, Kaïs Saïed avait exprimé, hier lundi, son rejet catégorique des concertations gouvernementales. Et ce, tant que le gouvernement de Fakhfakh est toujours en place. Il a également rappelé que ces négociations ne pouvaient avoir lieu qu’après la démission d’Elyes Fakhfakh; ou un retrait de confiance par les députés de l’ARP.
Deuxième coup de tonnerre, le chef du gouvernement laisse entendre qu’il a l’intention de limoger ses sept ministres appartenant à Ennahdha. Une déclaration de guerre à Montplaisir dans les règles de l’art!
Rupture de la solidarité gouvernementale
Par le biais d’un communiqué de presse, le locataire du palais de la Kasbah rappelle que l’appel d’Ennahdha « vient à l’encontre du principe de solidarité gouvernementale. Il ne laisse aucun doute sur les intentions d’Ennahdha de se défiler de ses obligations et engagements envers ses partenaires de la coalition. Et des efforts nationaux pour sauver l’État et l’économie du pays ».
Ainsi, c’est une réaction aux manœuvres d’Ennahdha appelant à la formation d’un « paysage gouvernemental alternatif ». Et le communiqué apporte des précisions. »Le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a déployé, au cours des dernières semaines, de nombreux efforts pour renforcer la coalition gouvernementale. Cependant, ces efforts sont entrés en collision avec les efforts parallèles et infructueux du mouvement Ennahdha. Ces derniers visent à introduire des modifications fondamentales dans sa forme et sa façon de travailler. Affaiblissant ainsi son harmonie et sa volonté de rompre avec l’ancien modèle de gouvernance du pays. Ce qui a perturbé l’action du gouvernement et perturbé sa stabilité. »
« Irresponsabilité »
Par ailleurs, la présidence du gouvernement soulignait également que le mouvement Ennahdha a accepté d’être membre de la coalition gouvernementale. Il a signé le document contractuel. « De ce fait, son appel à un paysage gouvernemental alternatif constitue une violation flagrante du contrat politique qui le lie aux autres partenaires ainsi qu’au chef du gouvernement. Ceci constitue aussi un mépris quant à la stabilité vitale des institutions de l’Etat, de l’économie du pays épuisée par la Covid et par la recrudescence de ces crises structurelles. Ces appels confirment l’absence de responsabilité dans cette phase critique qui commande des institutions et des composantes de la coalition davantage de solidarité et d’entraide. Comme il commande de faire primer l’intérêt supérieur de la patrie ». C’est ce qu’on peut lire dans le communiqué de presse.
Une attaque frontale contre le mouvement islamiste qualifié « d’irresponsable »; le divorce semble donc consommé.
En outre, la même source a estimé qu’Ennahdha a instrumentalisé l’affaire des soupçons de conflit d’intérêts impliquant le chef du gouvernement. Et ce, afin de servir ses propres intérêts politiques.
Ce nouveau bras de fer inaugure un conflit d’une rare intensité. Dans lequel les deux présidences, en l’occurrence Carthage et la Kasbah, adossées à la centrale syndicale s’opposent frontalement au mouvement d’Ennahdha qui a réussi l’exploit de se mettre tout le monde à dos. Ou presque!