En recevant le ministre des Domaines de l’Etat et des affaires foncières, Ghazi Chaouachi, le Président de la République a évoqué le dossier de la voiture administrative endommagée par la fille de l’ancien ministre d’Etat du Transport et qu’on a voulu étouffer par tous les moyens. Une affaire d’Etat.
Cette fois, le Président de la République a ouvert les hostilités avec le mouvement Ennahdha. Tout en frappant là où cela fait mal : les dossiers louches et les cadavres dans le placard.
En effet, Ghazi Chaouachi était reçu, hier, par le chef de l’Etat au palais de Carthage. Il pensait certainement avoir été convoqué pour parler des négociations sur la désignation d’un nouveau chef de gouvernement. Et pourquoi pas ne pas recevoir l’honneur d’être chargé des prérogatives du chef du gouvernement sortant d’autant plus que son nom avait été souvent cité ?
Douche froide
Et c’est la douche froide. Sur un ton ferme, Kaïs Saied l’interpelle publiquement, en vidéo sonore, prenant à témoin des millions de téléspectateurs, sur une mystérieuse affaire qui concerne son ex-collègue, l’ancien ministre d’Etat du Transport et de la Logistique, Anouar Maarouf. Sans jamais le nommer directement.
Et d’annoncer brutalement la couleur : « L’affaire ne concerne pas les négociations pour la constitution du gouvernement. Car j’ai préféré qu’elles soient faites par écrit, pour éviter tout malentendu ou interprétation », a assuré le Président de la République.
Un PV transformé et disparu
Alors de quoi s’agit-il ? « Il y a quelques semaines, il y a eu un accident causé par une voiture administrative. L’accident a fait l’objet d’un constat de la part des forces de l’ordre, et un PV d’enquête a été dressé. Or, ce PV a été par la suite transformé, envoyé au tribunal, pour disparaître complètement ensuite des dossiers du Tribunal de première instance de Tunis ».
Et de poursuivre : « J’ai suivi l’affaire dès le début, et je m’attendais à ce qu’elle suive son cours normal. Or, il s’est avéré que le PV a été falsifié, pour ensuite disparaître des classeurs du tribunal ».
« Vous êtes dépositaire des biens de l’Etat, et vous avez fait serment de respecter les lois », a-t-il assigné à son interlocuteur visiblement dans ses petits souliers.
Des faits troublants
En effet, le président fait allusion à l’affaire dite de la Q5 qui remonte au mois de mars 2020. Cette voiture administrative, d’une valeur de 270.000 DT, était conduite le 3 mars par la fille de l’ancien ministre Anouar Maarouf de manière illégale. Manque de chance, cette dernière avait été victime d’un grave accident de la route et la voiture, flambant neuve, fut sérieusement abîmée.
Dans un premier temps, l’ancien ministre avait d’abord nié l’existence de tout accident d’une voiture administrative. Ensuite, le constat de l’accident aurait été changé pour disculper la fille du ministre. Pire, le dossier de la Q5 aurait mystérieusement disparu dans les méandres du Tribunal de première instance de Tunis. Comme l’a constaté le Président de la République lui-même.
Les casseroles d’Anouar Maarouf
Destruction de biens publics, falsification d’un PV officiel avant de disparaître intentionnellement du tribunal, les charges sont graves contre l’ancien ministre d’Etat. Lequel traînerait d’autres casseroles, comme celle de la villa qu’il occupait lorsqu’il était ministre des Tic, louée sur le budget de la Poste Tunisienne, et qu’il avait gardé après sa nomination à la tête du ministère du Transport.
En déterrant l’affaire de la Q5 qui a défrayé la chronique, le président lance un missile « téléguidé » aux dirigeants du parti islamiste Ennahdha. Désormais, ils ne seront plus les seuls à « sortir » les dossiers sensibles contre leurs adversaires politiques, le temps voulu.
Echanges d’« amabilités » entre Carthage et Montplaisir. Mais le ton est donné…