Alors que les tensions sont plus que jamais grandissantes sur le marché de l’emploi, la Tunisie doit faire face à des choix difficiles. C’est le dossier chaud des prochaines années car, en l’absence d’une vraie solution, l’explosion sociale n’est pas à écarter.
Les réformes marocaines
Pour dynamiser son économie locale dans un premier temps et attirer les investisseurs étrangers lors de la reprise des flux d’IDE, le Maroc a pris des décisions fortes. Il est désormais possible de signer un contrat à durée déterminée (CDD) dans plus d’un secteur. Tels que BTP et entreprises d’ingénierie en particulier. Ainsi que pour différentes périodes pouvant aller jusqu’à 2 ou 3 ans. Les entreprises peuvent aussi recourir à ce type de contrats pour des activités qui ne relèvent pas de son objet social ou des missions de l’employé. À titre d’exemple, la société peut recruter, avec un CDD non renouvelable, un employé pour un projet particulier comme l’organisation d’un événement.
Autre nouveauté : une entreprise pourra employer les personnes âgées de 58 ans et plus. Ceux qui ont perdu leur emploi sans remplir les conditions de stages. Soit 54 jours, successifs ou non, déclarés et dont les cotisations exigibles ont été versées pendant une période maximum de 6 mois. Et ce, pour prétendre à une pension de retraite.
Les entrepreneurs marocains ont donc une grande marge de manœuvre pour réduire leur facture sociale et absorber le chômage des jeunes et des seniors, affectés par la crise. Pour des étrangers, une telle flexibilité est plus que nécessaire avec l’émergence de nouveaux risques.
La rigidité tunisienne
En Tunisie, penser à une telle démarche est jugé criminel par les syndicats. Avec ce qui s’est passé depuis le mois de mars, le patronat tunisien est plus que jamais confronté à des situations difficiles. Payer ses salariés est devenu un cauchemar. A cause de la chute libre de l’activité économique et l’inaccessibilité aux crédits bancaires.
Pour bénéficier de l’assistance de l’Etat, il faut être fiscalement clean. Ce qui est légitime de point de vue gestion de l’argent du contribuable, mais ardu côté pratique. Alléger le coût de l’emploi, la priorité de tous les entrepreneurs, est un exercice compliqué. Il accélère la destruction de beaucoup plus d’emplois que la crise aurait causée.
Mais cela ne veut pas dire que les syndicats en Tunisie n’aient pas d’arguments défendables. Il y a des sociétés qui ne respectent pas la loi et qui exploitent leur personnel. Si elles peuvent encore recruter, c’est qu’elles profitent de la médiocrité des conditions économiques et sociales d’une grande partie de la population. Cette partie qui, faute d’une source de revenus, se retrouverait dans la pauvreté absolue.
Les gens bossent en silence en espérant une titularisation qui leur garantirait un minimum de droits et de stabilité. Donner alors une nouvelle porte aux patrons pour les exploiter davantage serait une injustice.
La solution existe, il faut juste oser
Que faire alors ? Nos principaux concurrents régionaux avancent rapidement vers plus de souplesse réglementaire. Alors que nous restons figés, incapables de passer le cap. La solution ne viendra pas seulement côté textes juridiques, mais des banques. Cela parait paradoxal à première vue, mais bien réel.
Pourquoi le tunisien cherche à tout prix cette à être titularisé ? C’est parce que l’accès aux crédits bancaires est lié à cette condition. Sans elle, il n’a aucune chance d’acheter une voiture, une maison ou n’importe quel autre bien.
Si ce n’est plus une exigence, ce statut ne sera plus revendiqué. Pour les banques, elles pourraient compter sur l’assurance chômage, plus que jamais indispensable pour déverrouiller le système.
C’est donc une boucle de réformes financières, juridiques et économiques qui sont à mener en parallèle en Tunisie. C’est la vraie bataille du pays, celle qui donnera la dignité et l’égalité des chances à chaque Tunisien. Il est clairement très loin des jeux politiques actuels qui n’intéressent plus personne.