La désignation de Hichem Mechichi, un proche du président de la République, au poste du chef du gouvernement, en attendant d’obtenir la confiance du Parlement, sonne-t-elle le glas du régime parlementaire hybride tant honni par la majorité des Tunisiens ?
En effet, contre toute attente et à la surprise générale, le chef de l’Etat a chargé Hichem Mechichi, l’actuel ministre de l’Intérieur, de former le prochain gouvernement. Et ce, dans un délai maximal de 30 jours, à compter du 26 juillet. Conformément aux dispositions de l’article 89 de la Constitution. Il devra, par la suite, obtenir la confiance du Parlement. En cas de refus, le président aura toute latitude de recourir à un gros « missile ». Celui de la dissolution de l’Assemblée, arme suprême dans le dispositif présidentiel.
Ne boudons pas notre plaisir et disons le haut et fort en s’amusant à déjouer les pronostics et en sortant de son chapeau à la dernière minute « l’oiseau rare », Kaïs Saied, a réussi l’exploit de convaincre les plus récalcitrants qu’il est un tacticien politique hors-pair. Et que, désormais, ce sera lui le maître des horloges de la scène politique en Tunisie. Avis au cheikh de Montplaisir et consorts…
Un énarque à la Kasbah
Pourquoi le locataire du palais de Carthage a-t-il eu recours à un proche collaborateur, un énarque qu’il connait bien. Puisqu’il était son conseiller pour les affaires juridiques et un haut commis d’Etat qui a fait ses preuves comme chef de cabinet de plusieurs ministères avant de chapeauter le ministère de l’Intérieur, poste hautement sensible ?
Premier ministre ?
En évidence, pour faire de lui un Premier ministre et non un chef du gouvernement et consolider, par ricochet, sa prééminence sur la scène politique et sa stature présidentielle, en sa qualité de dépositaire de la magistrature suprême. Et ce, face à un président du Parlement qui cherche depuis quelque temps à lui disputer ce privilège. Pour ne pas dire à marcher sur ses plates-bandes.
Le cauchemar des islamistes
Notons que dans ce bras de fer entre la présidence de la République et le pouvoir législatif, Kaïs Saied s’en sortira gagnant dans tous les cas de figure.
Soit, le gouvernement Mechichi sera investi par le Parlement, et c’est lui qui, en marginalisant les partis politiques, prendra les rênes du pays. Soit les députés choisiront de faire de la résistance et ce sera la dissolution du Parlement et les élections anticipées.
Un scénario catastrophique pour les partis extrémistes à l’instar de la coalition hétéroclite d’Al Karama. Et notamment Ennahdha qui risque d’y laisser des plumes. Avec le danger prévisible d’une montée spectaculaire du PDL de Abir Moussi, le cauchemar des islamistes.
Les dirigeants d’Ennahdha réagissent à la nomination de Hichem Mechichi
La Tunisie qui a eu à en pâtir de longues années d’un régime hybride mi-parlementaire, mi-présidentiel. Ainsi que d’un horrible système électoral ayant favorisé la montée des partis extrêmes. A l’émiettement de l’Assemblée est-elle entrain de marginaliser le rôle des partis et glisser in facto vers un régime présidentiel ?
C’est en tout cas la crainte principale du parti de Rached Ghannouchi. Et c’est dans ce sens qu’il faut interpréter la publication de l’ancien dirigeant du parti Ennadha, Abdelhamid Jlassi. Lequel a commenté, hier, la nomination du ministre de l’Intérieur pour la formation du nouveau gouvernement : « le président de la République avait raté son choix en désignant Hichem Mechichi et en laissant du côté les propositions des partis politiques ».
« Il est encore possible de se rattraper si Hichem Mechichi prouve qu’il est chef de gouvernement et non Premier ministre et se comporte comme tel avec le Parlement et respecte ses prérogatives constitutionnelles afin d’éviter une dérive vers un régime présidentiel déformé », a-t-il ajouté sur sa page FB.
Il a tout compris !