Hichem Mechichi, la personnalité chargée par le président de la République de composer le prochain gouvernement, pourrait opter pour une équipe formée de compétences non politisées. En excluant par conséquent les partis politiques y compris le mouvement d’Ennahdha.
A sa sortie du palais de Carthage samedi soir, sa lettre de nomination sous le bras, le nouveau chef du gouvernement Hichem Mechichi avait prononcé un bref discours dans lequel il s’est engagé « à donner une suite favorable aux demandes légitimes de notre peuple et à s’y employer car elles sont légitimes ».
Une vague promesse qui nous laisse sur notre faim quant à la feuille de route de Hichem Mechichi, l’homme providentiel que le locataire du palais de Carthage a désigné. A la barbe des partis politiques et à la surprise générale, pour appliquer sa vision personnelle de la politique et de l’avenir de la Tunisie.
Une certaine vision de la politique
Or pour comprendre la logique présidentielle, il faut revenir à une vidéo datant de 2013 l’actuel président Kaïs Saied appelait déjà à l’époque au départ de tous les partis politiques et au changement du système électoral du pays.
Le Président considérait à cette époque, et il n’a pas changé sa position d’un iota, que la classe politique ayant échoué et conduit la Tunisie à une très grave crise, devait partir. Que ce soit les gouvernants ou l’opposition.
Et il est clair que Kaïs Saied qui détient désormais le pouvoir suprême veuille charger son protégé à la Kasbah d’appliquer cette vision de la politique, par petites touches, prudemment mais avec fermeté.
Les mains libres
Ainsi, Mechichi entamera ce qui lui reste des 30 jours fatidiques pour former son équipe gouvernementale, les mains libres, en candidat libre, sans trop se soucier de la fameuse et contraignante « ceinture politique » supposée lui garantir les 109 voix nécessaires au vote de confiance devant l’Assemblée des Représentants du Peuple.
Car, selon les observateurs avertis, le nouveau chef du gouvernement est en terrain conquis, les partis politiques ayant trop peur, en cas de résistance, de l’épée de Damoclès suspendue sur leurs têtes : les possibles élections législatives anticipées où beaucoup de partis y laisseraient des plumes. Et ils en sont parfaitement conscients.
Libéré de ces contraintes et de l’ombre pesante d’Ennahdha et de ses satellites à l’instar de la coalition Al Karama et de ce qui reste du parti de Nabil Karoui, Hichem Mechichi pourrait opter pour des négociations avec les partis politiques non sur la base du partage du gâteau et de l’offre des partis en matière de ministres, mais de la compétence, comme seul critère. Excluant ainsi l’option d’un gouvernement politique.
En effet, le gouvernement idéal pour l’homme du président serait restreint, formé de compétences indépendantes mais avec le soutien des principaux partis et notamment de l’UGTT et de l’Utica.
L’ombre d’Ennahdha
Reste que l’option d’un gouvernement apolitique dit de compétence, où le mouvement Ennahdha serait mis à la touche et avec la possible descente de Rached Ghannouchi du Perchoir le 30 juillet, est un scénario de tous les dangers.
Car et alors que le mouvement Achaab, le Courant démocrate, deux piliers de l’actuelle coalition gouvernement ainsi que le PDL d’Abir Moussi, plaident pour la constitution d’une équipe sans Ennahdha, ce dernier fortement amoindri depuis 2011, continue de croire qu’aucun gouvernement ne saurait être composé sans sa participation. Allant même jusqu’à brandir le spectre du chaos et de la déstabilisation du pays.
Une menace qui n’a pas l’air d’empêcher l’imperturbable Kais Saied de dormir…