Que pourrait faire le parlement si Hichem Mechichi décidait de constituer un gouvernement qui ne répond pas aux desiderata de l’ARP ? Le refus de voter la confiance pourrait largement desservir le parlement.
La question est sur toutes les lèvres. Comment les parlementaires et notamment les partis et mouvements politiques, dont sont issus la majorité des députés, Ennahdha en tête, se comporteraient face à Hichem Mechichi ? Une question qui nécessite cependant une précision, et de taille, si ce dernier choisit de former un gouvernement qui ne réponde pas à leurs attentes ? S’ils ne sont pas représentés ou pas assez représentés ?
Précisons que cela pourrait être le cas. La désignation de M. Mechichi en dehors des noms proposés par les différentes composantes du parlement pourrait être déjà un premier signal. Qu’est-ce qui obligerait, vu la situation actuelle du pays et les enjeux du moment, Hichem Mechichi, qui n’appartient à aucune composante de l’ARP, de constituer une équipe contraire aux désirs des députés ?
Et certains de penser, à ce niveau, que cela dépendrait beaucoup de ce que le chef de l’Etat et le ministre de l’Intérieur se seraient dit le soir du 26 juillet 2020. Et jugeraient cette rencontre et sa suite logique au travers d’une phrase prononcée par le Président de la République au sujet de « la révision de la légitimité ».
Dans le monde de la politique, il ne faut évidemment rien s’interdire. Et le geste d’Elyes Fakhfakh, qui a « osé » limoger des ministres d’Ennahdha, donne à penser qu’un « candidat du président » – Elyes Fakhfakh a dit l’être dès le début- pourrait aller bien loin !
Ils se sont largement trompés
Autant dire que les partis et mouvements à l’ARP savent qu’un « candidat du président » n’a pas, pour ainsi dire, froid aux yeux. De toute manière, les jours qui ont précédé la désignation de Hichem Mechichi ont montré que le chef de l’Etat a, malgré tout, les coudées franches et plusieurs cordes à son arc et qu’évidemment ceux qui pouvaient croire qu’il ne pourrait pas mettre tout son poids dans la balance pour renverser la vapeur se sont largement trompés.
Le limogeage du ministre des Affaires étrangères, Noureddine Erray, domaine réservé du reste du chef de l’Etat, l’audience accordée à la veuve du martyr Mohamed Brahmi ou encore celle accordée au ministre des Domaines de l’Etat consacré à l’accident de la fille du ministre du Transport, Anouar Maarouf, ont montré que le Président de la République veut jouer pleinement le rôle que lui assure sa fonction.
On se souvient que feu Mohamed Béji Caïd Essebssi avait un temps croisé le fer avec Ennahdha et avec l’ancien chef du gouvernement, Youssef Chahed, en usant du Conseil national de sécurité et en accueillant l’équipe d’avocats qui s’est chargée de l’assassinat des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Des faits et gestes que tous les acteurs politiques, et notamment ceux qui s’affairent au sein de l’ARP afin d’imposer une orientation de la politique nationale, ne peuvent ignorer. Ennahdha semble, à ce propos, adopter un profil bas depuis qu’Elyes Fakhfakh, que certains disent dépité, a limogé ses ministres. En témoigne sans doute le communiqué du parti islamiste consécutif à la désignation de Hichem Mechichi de former le gouvernement qui a joué à l’apaisement.
Nourri à la sève de l’intérêt général
Toute une lecture qui ne peut laisser de côté la personnalité de Hichem Mechichi, qui en homme d’Etat et fonctionnaire nourri à la sève de l’intérêt général, sait où se trouve l’intérêt du pays, de ses institutions et de ses citoyens.
L’homme qui, on ne le dira jamais assez, a fait une carrière dans bien des secteurs, ce qui lui permet d’avoir une vision globale de la réalité tunisienne et des enjeux du moment, sait qu’il faut privilégier le bien-être des citoyens avant celui des partis.
Sans oublier que les composantes de l’ARP – ou du moins certaines d’entre elles- iraient peut-être au suicide si elles venaient à refuser de voter la confiance à Mechichi et à son équipe. Et ce, quelle que soit la formule adoptée. Pourraient-elles retrouver leurs sièges maintenant que l’ARP semble avoir perdu beaucoup de son crédit. Toute la question est sans doute bien là.
Ajoutons à ce propos qu’un refus d’accorder la confiance à l’équipe de Hichem Mechichi, qui tout le monde peut le deviner, concoctera un programme d’utilité publique pour faire sortir le pays de son bourbier, ne peut aucunement être en leur faveur. Ils montreraient, au passage, qu’ils sont intéressés par autre chose que par l’intérêt du pays qui attend depuis des mois que l’on s’attelle aux réformes.