Lors de son dernier Conseil d’Administration, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a décidé de maintenir inchangé son Taux Directeur à 6,75%.
Un verdict qui pourrait ne pas plaire aux agents économiques qui réclament des taux bas. Cependant, nous insistons sur la nécessité de mettre la décision de maintenir inchangé le Taux Directeur dans tout un cadre macroéconomique très fragile.
Inquiétudes sur le taux d’intérêt réel
La décision de la BCT est intimement liée à l’évolution de l’inflation, en particulier sous-jacente. Cette dernière s’est repliée à 7,2%. Fin 2019, elle était de 6,7%. Mais sous l’impact de la pandémie et du confinement total, les prix ont connu une flambée. Celle-ci est en train de se calmer.
Cette situation n’est pas très confortable pour le régulateur qui a baissé son Taux Directeur de 100 points de base au début de la crise dans le cadre d’une longue série de mesures. Celles-ci visent la gestion de la liquidité dans l’ensemble du système financier.
Pour rappel, fin janvier 2020, l’écart entre le Taux Directeur et le taux d’inflation sous-jacente était de 95 points de base. Fin juin, nous sommes passés en territoire négatif à -45 points de base. C’est un chiffre très inquiétant. Car il est synonyme d’une destruction de la valeur. Garder un taux élevé est en effet indispensable pour atteindre, le plus rapidement possible, le point d’inflexion.
Le manque de liquidité l’emporte sur la baisse du taux
Mais est-ce que la baisse du Taux Directeur de 100 points de base conduit nécessairement à une telle baisse des taux effectifs ? Les chiffres qui ont été publiés en fin de la semaine dernière montrent que ce n’était pas le cas.
A titre d’exemple, le taux d’intérêt effectif moyen des crédits à court terme (autres que le découvert) n’a reculé que 0,04% sur le premier semestre 2020. Les crédits à long terme et ceux à moyen terme n’ont respectivement baissé que de 11 et de 1 point de base. Ce qui est presque non significatif. Deux sources de financement ont même augmenté : le leasing qui est passé de 12,95% à la deuxième moitié de 2019 à 13,64% le semestre suivant, et le découvert qui a gagné 4 points de base à 11,55%.
Cela montre que la pression actuelle sur la liquidité est tellement forte que la baisse du Taux Directeur ne donne qu’un effet partiel pour le moment.
Le coût de ressources est le problème
Parmi les causes de ce retard dans la concrétisation de la politique monétaire, il y a le coût de ressources des établissements financiers. Pour le leasing, il y a la contrainte des niveaux de taux sur le marché obligataire qui sont toujours élevés.
Le Taux de Rémunération de l’Epargne est toujours le même. Les déposants exigent encore un rendement élevé qui couvre au moins l’inflation. Cela fait qu’il y a du retard dans la transmission de la politique de la BCT.
Le niveau de la croissance économique, qui serait à son plus bas depuis l’indépendance, ne joue pas en faveur d’un resserrement des coûts de ressources. La faible valeur ajoutée ne va dégager que peu de dépôts supplémentaires qui seront alloués aux demandeurs les plus généreux.
De plus, les risques sur le taux de change pourraient nous renvoyer vers de fortes tensions inflationnistes. Un taux de placement en monnaie locale élevé peut aussi aider à atténuer de tels risques. En même temps, il ne faut pas espérer de reprise de l’investissement si nous restons avec des taux à ces niveaux.
En regardant la carte des risques, il est primordial de préserver les grands équilibres macroéconomiques à court terme. Puisque nos partenaires européens sont en train de souffrir, même une politique agressive de taux ne servira à rien. Car on ne trouvera pas de clients pour notre production.
Entre temps, il y aura des victimes sur le niveau microéconomique. Nous payons le prix des non-réformes depuis une décennie.