La question du chômage ou le système éducatif interpelle tout le monde. Mais depuis l’adoption de la loi sur le droit au recrutement d’office dans le secteur public pour les diplômés chômeurs de plus de dix ans… l’opinion publique n’est pas restée de marbre…
Pourquoi un diplômé après dix ans d’attente ne trouve-t-il pas toujours de job? La réponse est beaucoup plus profonde, estime Faouzi Ben Abderrahmane, ancien ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle. Tout en dressant un état des lieux.
Selon Faouzi Ben Abderahmane, il est important de comprendre le contexte dans lequel vit le chômeur. En général, il est issu d’une famille à faible revenu, en provenance d’une région éloignée. Il précise dans ce contexte: « Après avoir obtenu leur diplôme, les jeunes sont prêts à travailler n’importe quoi. Certes, les garçons peuvent se déplacer plus facilement. Contrairement aux filles, étant donné la situation sociale… Une bonne partie d’entre eux bénéficient du SIVP (devenu CIVP (contrat d’initiation à la vie professionnelle) qui donne droit à une subvention de l’Etat de 150 DT devenue 200 dinars ».
À l’issue de deux ans de stage, le taux d’inclusion du programme CIVP est de 30% dans la même entreprise où a eu lieu le stage et 30% dans d’autres entreprises en 3 ans. Mais la plupart d’entre eux préfèrent se tourner vers la fonction publique. Surtout pour le salaire comparé au secteur privé (salaire d’embauche moyen 1100 DT comparé à 700 dinars), en plus de certains privilèges comme l’accès aux crédits, le statut social ou la pérennité de l’emploi. Cependant, la grande injustice concerne les filles diplômées qui représentent 70% des diplômés chômeurs.
46% du total des diplômés chômeurs ont un diplôme de plus de 10 ans
En effet, sur 260 000 chômeurs diplômés 170 000 sont des filles, nous apprend l’Institut national de la statistique. 46% du total des diplômés chômeurs ont un diplôme de plus de 10 ans.
M. Faouzi souligne: « Nous avons fait une estimation avec les spécialistes des chiffres du chômage en 2018 pour connaître le pourcentage des demandeurs d’emploi qui ont plus de dix ans de chômage. Résultat des courses : 46% du total des diplômés chômeurs sont titulaires d’un diplôme de plus de 10 ans. Soit 120 000, selon cette estimation. Ce nombre est appelé à croître car les chiffres INS du chômage n’incluent pas les inactifs (ceux qui sont sans emploi et qui ne cherchent pas de travail) ou les travailleurs précaires qui rejoindront les rangs des demandeurs d’emploi pour bénéficier de cette loi. Toutes les estimations ne sont pas encore disponibles aujourd’hui, et je ne pense pas que les députés à l’origine en étaient bien conscients, alors qu’il était possible de demander à l’Institut National de la Statistique, à l’ANETI et à l’observatoire de l’emploi de travailler sur des estimations scientifiques et correctes.
En somme, il conclut: « Le thème du chômage des diplômés est l’un des sujets les plus brûlants, et il faut sortir des stéréotypes qui y sont associés … Car en fait le problème concerne le système éducatif, qui est à revoir de fond en comble. Et il est important pour notre modèle économique. A mon sens, il s’agit d’un gros problème social et culturel car il gaspille la plus grande richesse du pays, à savoir les ressources humaines ».