Aujourd’hui, la Tunisie paie le prix de l’absence d’une relance économique. Comment expliquer ce retard ? Quel est l’état des lieux ? Hassen Zargouni, Directeur général de Sigma Conseil, livre le constat de cet échec et ce via des chiffres.
En effet, Hassen Zargouni estime que la croissance économique de la Tunisie est négative. Elle est à hauteur de -6,5% en 2020. Il précise dans ce contexte : « Cette contraction de l’économie se justifie par la forte baisse de l’activité dans les secteurs des industries exportatrices, du tourisme et du transport. Ainsi que les difficultés persistantes dans le secteur des industries extractives, dont le pétrole et le phosphate ».
Avant d’ajouter : « L’ensemble des composantes du PIB seront affectées : l’investissement (en raison du climat d’incertitude), la consommation privée et les échanges extérieurs. Et ce, du fait principalement de la baisse de la demande en zone euro notamment ».
Mais en clair, cela revient également à la faible production du phosphate. Il indique entre autres: « Une production totale de phosphate sur les 7 premiers mois de l’année 2020 limitée à 2,136 M tonnes. Et ce, contre 3,327 M tonnes selon la prévision initiale ».
Sur un autre volet, le secteur du tourisme qui se trouve lui aussi sinistré.. A cet effet, Hassen Zargouni part du constat: « Des recettes touristiques du 1er janvier au 31 juillet 2020 en baisse de -56,2%. Et ce, par rapport à la même période en 2019 à 1,22 Md TND, en lien avec la crise du covid-19« .
Rappelons qu’à cause de la Covid-19, la Tunisie a fermé ses frontières depuis le 16 mars 2020. Quant à la réouverture, elle a eu lieu le 27 juin 2020. Tout en rappelant que les frontières avec les pays voisins (Algérie et Libye) restent fermées. Et ce en raison de l’aggravation de la situation sanitaire.
De son côté, Hassen Zargouni met l’accent sur le taux d’inflation globale en Tunisie qui, selon lui, a de nouveau baissé en juillet 2020, s’établissant à +5,7% en glissement annuel (g.a.). Après +5,8% en juin 2020 en g.a.
Avant d’ajouter: « Un encours de la dette fin juin 2020 qui s’élevait à 89,4 Mds TND et était essentiellement dû à la dette extérieure (67,6%). Une baisse du déficit courant sur le 1er semestre 2020 à 4% du PIB. Et ce, contre 5,6% du PIB sur la même période de 2019. La contraction des échanges commerciaux et la chute de l’activité touristique sont à l’origine de cette baisse ».
Et de poursuivre: « Un niveau des avoirs nets en devises de la BCT qui ne cesse de progresser grâce aux flux nets de capitaux croissants (appui budgétaire notamment) atteignant 139 jours d’importation le 7 août 2020, soit 21,4 Mds TND). Un taux directeur de la Banque centrale de 6,75% inchangé car l’inflation continue de baisser.
Tout comme il rappelle que le déficit budgétaire au cours du 1er semestre de l’année 2020 s’est creusé de +56,2% en glissement annuel (g.a.) à -3,8 Mds TND. Ce qui explique entre autres « une diminution des recettes propres de l’Etat sur la période (-11,9% en g.a., à 14,2 Mds TND). » « Ce qui provient essentiellement de la baisse des recettes liées aux impôts sur les sociétés (-18,7% en g.a. à 1,7 Md TND). Et de la réduction des recettes de la TVA (-15,5% en g.a., à ). Notamment en lien avec l’impact de la crise du Covid-19 sur l’activité économique », mentionne-t-il.
Et de continuer: « Des dépenses publiques (hors remboursement du principal de la dette) au cours du 1er semestre 2020 sont en baisse de -1,2% en g.a. à 17,99 Mds TND. Cette baisse s’explique principalement par la chute des dépenses d’investissement public (-20,3% en g.a. à 2,3 Mds TND). Et des prêts étatiques (-36,1% en g.a. à 1,5 Md TND). Des dépenses de fonctionnement qui ont progressé de +11,5% à 12,2 Mds TND. Ce qui représente ainsi 67,9% des dépenses publiques hors remboursement du principal de la dette ».
Qu’en est-il de la masse salariale ?
Selon Hassen Zargouni, une masse salariale dans la fonction publique en nette progression (+14,0% à 9,5 Mds TND. Soit 77,4% des dépenses de fonctionnement et 52,5% des dépenses publiques hors remboursement du principal de la dette).
Et de poursuivre: « Des dépenses d’interventions (caisse de compensation) et de transferts (+5,4% à 2,2 Mds TND). Et ce malgré la baisse des subventions énergétiques (-36,8% à 1,6 Md TND – baisse des subventions aux carburants uniquement). Des ressources d’emprunt (satisfaisant le besoin de financement) sur les 6 premiers mois de 2020 qui ont progressé de +33,8% en g.a. à 7,2 Mds TND. Il s’agit pour 54,8% d’emprunts extérieurs (dont 3,3 Mds TND d’appui budgétaire, lequel représente 46,1% des ressources d’emprunt totales – en hausse de +30,4% sur un an). »
Le constat est clair: « Bref, une économie en forte récession, une inflation toujours élevée, un endettement record. Notamment vis-à-vis de l’étranger, des finances publiques déséquilibrées, un investissement public et privé faible, un chômage élevé. Mais un dinar qui se stabilise, un niveau des avoirs en devises acceptables et conjoncturellement haut… »
Mais pour faire face à cette crise économique, Hassen Zargouni conclut: « Ce qu’il faut c’est une stabilité politique et institutionnelle. Une stabilité sociale et sécuritaire. Ainsi qu’une accalmie au niveau de la législation fiscale et sociale. Et ce pour espérer un retour à la confiance des opérateurs économiques… Ça doit durer pendant au moins 3 ans pour espérer un début de redressement ».