Durcissement évident des autorités italiennes à l’endroit de la migration clandestine. L’Italie a déjà fait passer le message aux Tunisiens. En recourant, selon des médias, jusqu’aux « pressions ».
Mais sans que la Tunisie n’obtienne rien de sérieux en matière de coopération avec l’Italie. Sinon ces financements pour que les Tunisiens fassent le boulot anti-migratoire.
« Nous expulserons tout citoyen tunisien qui entrera en Italie. » Ainsi parlait, avec l’assurance des conquérants, Luigi Di Maio. En effet, le ministre italien des Affaires étrangères s’exprimait le lundi 17 août 2020. Et ce, à la suite d’une réunion de travail tuniso-italienne. Elle se déroulait au Palais de Carthage, consacrée pour l’essentiel au dossier de l’émigration irrégulière.
D’ailleurs, cette réunion intervenait après des opérations de migrations clandestines de Tunisiens en juillet-août 2020. Des opérations qui provoquait la visite, sur un air on ne peut plus alarmé, de la ministre italienne de l’Intérieur, Luciana Lamorgese. Elle courait rencontrer le président de la République, Kaïs SaÏed, le 27 juillet 2020, toujours au Palais de Carthage.
Une réaction italienne qui ne manquait pas d’être largement et diversement commentée en Tunisie. Et au sujet de laquelle on ne peut ne pas s’attarder. Parce qu’elle constitue un précédent. Car, s’il est vrai que si les pays de la rive Nord de la Méditerranée ont pris le pli de renvoyer les migrants de toute origine dont les embarcations échouent sur leurs côtes. C’est sans doute la première fois qu’un pays européen « hausse le ton », du moins de cette manière. Et opère à des rapatriements avec une telle célérité. En affichant une volonté aussi catégorique d’en finir avec les migrants clandestins. Une attitude relevant d’une volonté de diktat d’un proconsul romain d’antan.
A ce propos, l’Italie a, quoi qu’on dise, donné l’impression d’adopter une voie de fermeté. Privilégiant les solutions sécuritaires et des formes de comportement jusqu’aux peu amènes. Puisque l’Italie est allée jusqu’à convoquer l’ambassadeur de Tunisie à Rome. Comme s’il y avait réellement, comme on dit, le feu! Sans oublier ce que certains médias ont appelés, sur la foi de déclarations du Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux, des « pressions exercées » sur la Tunisie.
Siffler la fin de récréation migratoire
L’importance du nombre d’officiels italiens qui ont fait le voyage de Tunis n’en dit-il pas long sur cette réalité? Six personnes figurent sur la photographie publiée à l’occasion de la réunion du 17 août 2020.
L’Italie a voulu à cette occasion peut-être livrer un message. Faisant comprendre qu’à l’heure où son économie traverse une crise sans précédent en raison de la pandémie du coronavirus, le pays veut siffler en quelque sorte la fin de récréation migratoire.
Le gouvernement de notre voisin du Nord a-t-il voulu aussi faire taire les voix racistes et xénophobes venant quelquefois de représentants de l’Etat? Les propos du ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, déclarait, en 2018, que la Tunisie n’envoyait dans son pays que des « délinquants » et « ex-détenus » (sic).
Des sommes insuffisantes
Mais que propose l’Italie, comme tout autre pays européen, en retour de cette politique « répressive »? Manie-t-il, pour ainsi dire, le bâton et la carotte? La réponse est qu’il manie seulement le bâton. Dans la mesure où les financements qu’il propose pour arrêter les flux migratoires sont dérisoires. Ils ne peuvent aider la Tunisie à retenir les candidats à une migration clandestine. Tant s’en faut!
Et les quelque 11 millions d’euros (environ 35,5 millions de dinars) tant promis par la partie italienne iraient à combattre la migration clandestine. L’Italie, à l’instar d’autres pays européens, souhaitent que les pays du Sud fassent le sale boulot qui consiste à protéger leurs frontières.
Un financement bien insuffisant. Puisqu’un premier responsable maghrébin soutenait, il y a quelques mois, que les sommes allouées par l’Union Européenne pour combattre la migration clandestine n’étaient pas suffisantes pour permettre à son pays de faire correctement le travail.
Arrêtons-nous, ici, un instant, pour dire que c’est pratiquement de la poudre aux yeux cette affaire de lutte contre la migration clandestine. Les Italiens, à commencer par ceux qui ont fait le voyage de Tunis le savent: rien n’arrêtera les migrants clandestins.
Appauvrissement et sécheresse
Il s’agit du reste d’un phénomène qui va aller crescendo. Et cela fait des années que les think tanks et les chercheurs et observateurs de tout bord, nous le disent. Rien ne peut arrêter les flux des populations qui viennent du Sud. Les pays du Maghreb eux-mêmes deviennent des terres de migrations. Des phénomènes qui sont encouragés par des facteurs endogènes et exogènes. Dont ceux de l’appauvrissement et la sécheresse.
Les spécialistes, et sur la base de ces images de corps de migrants rejetés par la mer, n’oublient pas de prédire des drames humains et des conflits. Pouvant aller à des rixes avec la police pour ceux qui arriveront sur les lieux sains et saufs.
Les Italiens ont-ils oublié ces temps pas si anciens lorsque leurs citoyens venaient s’installer en masse en Tunisie ? Les traces de cette présence sont dans la mémoire de tous. Et des écrits historiques évoquent La Grana, peuplée de ces Livournais venus s’installer à Tunis ou ces Siciliens, pêcheurs et artisans, qui habitaient la Petite Sicile de La Goulette. Et bien d’autres.
Les pays du Sud ont, cela dit, tellement écouté les discours européens sur l’importance de l’aide au développement que même les plus niais d’entre eux ne croient plus à rien. Qui croit encore aujourd’hui aux discours sur la politique de « bon voisinage » et de «partenariat » qui ne se vérifient que rarement sur le terrain ? La déclaration de Barcelone, en 1995, qui entendait instaurer, dit-on, un « partenariat Euromed » entendait, entre autres, « construire un espace de prospérité partagé ». Qu’en est-il réellement ?