Toutes proportions gardées, Trump et ses amis ont fait de l’Amérique ce que Ghannouchi et ses amis ont fait de la Tunisie.
Trump a promis aux Américains de « rendre sa grandeur à l’Amérique » (Make America great again).
Le second, après s’être approprié la révolution à laquelle il n’a participé ni de près ni de loin, a promis aux Tunisiens des lendemains qui chantent. Et beaucoup de Tunisiens l’ont cru, car, pensaient-ils naïvement, en confiant le pouvoir à ceux qui « craignent Dieu », ils peuvent être tranquilles. Ils vivront désormais dans un Etat débarrassé des résidus de la dictature, nettoyé de la corruption et auréolé de la morale, de la droiture et de la fidélité aux principes.
Dix ans après, « ceux qui craignent Dieu », ont transformé un pays qui marche en un pays cul-de-jatte ; une économie dynamique en une économie comatique ; une société besogneuse en une société miséreuse.
Trump n’a pas eu la chance ni l’Amérique n’a eu la malchance de le voir régner dix ans. Mais en quatre ans, il a eu largement le temps non pas de « rendre sa grandeur à l’Amérique » comme il l’a promis, mais de ternir encore plus son image ; d’exacerber encore plus sa réputation d’Etat-paria ; de réduire le nombre des amis et de multiplier celui des adversaires ; de mettre à nu son incompétence totale à gérer une crise et sanitaire et économique sans précédent etc.
Cette semaine a été particulièrement désastreuse pour l’administration Trump dont l’incompétence a empêché d’éviter des humiliations parfaitement évitables sur la scène mondiale. Plus précisément au Conseil de sécurité de l’ONU.
Quand l’Iran raille Washington
Le 15 août, le Conseil de sécurité a rejeté à une écrasante majorité la résolution américaine visant à prolonger l’embargo sur les armes contre l’Iran. Seule la république dominicaine a voté avec Washington. L’Iran a jubilé tout en raillant l’incapacité des Etats-Unis à obtenir plus d’une voix de soutien : « Ce jour restera dans l’histoire de notre pays et dans l’histoire de la lutte contre l’arrogance mondiale. Pendant les 75 ans d’histoire des Nations unies, l’Amérique n’a jamais été aussi isolée », a affirmé le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Abbas Moussavi.
Juste quelques jours plus tard, Trump et son secrétaire d’Etat Pompeo foncent encore une fois tête baissée vers l’humiliation. Le 19 août, le président américain a déclaré qu’il ordonnait à son secrétaire d’État de notifier le Conseil de sécurité de l’ONU de l’intention des États-Unis de restaurer, via un mécanisme dit de « snapback », les sanctions internationales contre Téhéran, suspendues dans le cadre de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien. L’arrogance et la suffisance de Trump et de ses conseillers les ont rendues aveugles aux évidences.
Habitués à imposer arbitrairement leur volonté aux autres, Les Etats-Unis ont oublié qu’ils ne faisaient plus partie de l’accord nucléaire iranien duquel ils se sont retirés en 2018, et que, par conséquent, ils n’ont aucun droit de se référer à cet accord pour rétablir les sanctions contre Téhéran.
L’obsession de l’un et celle de l’autre
Habitués à faire avaler les couleuvres aux autres, les Etats-Unis ont cette fois été forcés d’avaler leur propre couleuvre. Il fallait voir la position pitoyable dans laquelle s’est trouvé le Pompeo quand adversaires et alliés de l’Amérique ont rejeté sa demande de rétablissement des sanctions contre l’Iran.
Visiblement le secrétaire d’Etat américain ne s’attendait pas à cette réaction de ses alliés les plus proches, la Grande Bretagne, l’Allemagne et la France. Le communiqué commun publié par ces trois alliés est clair, net et précis : « les Etats-Unis ayant quitté l’accord nucléaire, ils n’ont donc pas le droit d’agir en vertu de ses dispositions. »
S’entêtant à vouloir coûte que coûte affaiblir l’Iran et l’isoler, Trump a fini par s’auto-infliger une humiliation gratuite, et surtout par saper l’autorité mondiale de son pays et de l’isoler encore plus.
Obsédé par l’idée de « rendre sa grandeur à l’Amérique », Trump s’est trouvé après quatre ans au pouvoir à la tête d’une Amérique moins puissante, plus isolée et à la réputation fortement ternie sur le plan extérieur. Sur le plan intérieur, sous le règne de Trump, l’Amérique a permis à douze de ses milliardaires de cumuler à eux seuls une fortune d’un trillion (1000 milliards) de dollars. Une absurdité économique et financière sans précédent dans l’histoire. De l’autre côté de la barrière, des dizaines de millions d’Américains peinent à payer leur loyer et à nourrir leurs familles. C’est la manière trumpienne de rendre sa grandeur à l’Amérique…
Obsédé par l’idée de détruire l’Etat moderne Tunisien et de le remplacer par un Etat islamique, Ghannouchi s’est trouvé, après dix ans de monopole du pouvoir, dans la situation de celui qui n’a plus rien à promettre aux Tunisiens, sauf le non paiement de leurs salaires et les coupures de l’eau et de l’électricité. C’est la Tunisie à l’édification de laquelle la confrérie de Ghannouchi n’a cessé de rêver depuis un demi-siècle.