Comment interpréter le retard pris dans l’annonce, dans la nuit du 24 août 2020, de la liste du gouvernement Mechichi? Une mauvaise gestion du temps, des tractations de dernière minute ou encore un manque évident de professionnalisme? Peut-être tout cela à la fois. Retour sur un retard qui n’a pas susciter jusqu’à des moqueries sur Facebook.
« Pouvez-vous m’indiquer à quelle heure le bus de 19 heures quitte la gare routière? » Voici une des moqueries lancées, le 24 août 2020, sur Facebook, à l’endroit du retard d’une heure et demie enregistré par le point de presse organisé pour annoncer la liste de ce qui est communément appelé le gouvernement Mechichi.
Un retard qui a délivré plus d’un message. Car, comme nous le précise l’école de Palo Alto, un courant de pensée et de recherche de la communication dominant ayant pris le nom de la ville de Palo Alto, en Californie (Etats-Unis d’Amérique), « tout est communication » et donc « tout comportement prend pour tout témoin valeur de message ».
Que cela soit consciemment ou inconsciemment, le retard a été l’expression d’un ensemble de signes; un retard qui a un sens: en somme « l’expression d’un geste par lequel on a, quoi qu’on dise, communiqué ». Et sans que cela dénote d’une certaine pensée théorique ou philosophique, le propos est de souligner, ici et maintenant, que ce retard ne peut ne pas être interprété que comme signifiant une réalité palpable.
Le signe d’une rigueur
D’abord, qu’il est le symbole d’une défaillance au niveau de l’organisation et de la gestion du temps. La ponctualité n’est-elle pas une valeur du reste appréciée: ne dit-on pas que la ponctualité est souvent le signe d’une rigueur évidente?
Difficile, ensuite, de ne pas interpréter ce retard (le point de presse était annoncé et prévu pour 22 heures 30, mais n’a commencé qu’à minuit moins deux minutes) comme l’expression de tractations de dernière minute. Un des enseignements de l’Ecole de Palo Alto est qu’il impossible d’empêcher l’interprétation des faits et gestes de chacun dans la communication définie par essence comme une réelle interaction.
Vrai ou faux, le retard ne peut que prêter le flanc aux rumeurs: on soutient–à tort ou à raison- que le chef du gouvernement avait retardé l’annonce pour apporter des changements à sa liste et/ou à convaincre des représentants de partis de la justesse des choix opérés.
Enfin, il est à se demander si Hichem Mechichi a conscience du fait que les médias sont un partenaire de choix de la vie politique. N’y-a-t-il pas, à ce juste propos, un temps journalistique (un ensemble de règles de fonctionnement de la profession journalistique) auquel les politiques cherchent à se conformer?
Etre au diapason d’un rituel
Il ne suffit pas aujourd’hui d’être un spécialiste du monde des médias pour comprendre qu’il faut– et dans l’intérêt de toute partie qui souhaite voir ses activités couvertes par les médias- se mettre au diapason d’un rituel qui veut que tout gravite autour du principal média: le journal télévisé.
Et force est de constater que cette réalité est bonne quel que soit le pays. Nous savons depuis longtemps qu’il s’agit là du plus grand média en matière d’audience. Un benchmarking (une comparaison en somme) permet de le remarquer aisément.
Hichem Mechichi a-t-il, par ailleurs, pensé aux quotidiens qui, en raison des délais d’impression et de distribution, ne peuvent remettre au lendemain le récit d’un événement d’importance?
Autant dire qu’organiser un point de presse à 22 heures 30, à fortiori à minuit, lorsqu’une bonne partie des gens dorment, est le signe évident d’un amateurisme en matière de communication politique et une méconnaissance du fonctionnement du système médiatique.
L’événement, quel que soit son importance, est, à ce propos, toujours rattrapé par d’autres. La presse est une machine qui ne sert pas du surgelé. Et ne pas communiquer l’événement au moment qu’il faut, et laisser donc la place à d’autres pour le concurrencer, est une erreur d’appréciation.
C’est du moins ce que des milliers de communicateurs nous ont à un moment ou un autre de leur vie appris et nous ont légué comme pratique. Quelquefois à leurs dépens!