Jour J. Hichem Mechichi, le chef du gouvernement désigné a prononcé un discours selon lequel il a mis l’accent sur les cinq priorités du gouvernement. Que faut-il penser de ce discours ? Plus encore quelle analyse peut-on dresser? Mehdi Ghazzai consultant en communication analyse son discours en mettant en avant le fond et la forme.
Mehdi Ghazzai souligne, dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com: « On a eu droit sans doute aux 25 minutes les plus ennuyeuses depuis Habib Essid. Un discours monotone, terne et sans relief. »
Sur la forme :
Selon lui, Hichem Mechichi n’a utilisé aucune figure de style. Ni les métaphores pour imager son discours, ni les anaphores pour rythmer son énonciation. Rien. On n’a retenu aucune punchline sauf peut-être la dernière phrase : « Nous n’avons rien que ce pays ».
Et de poursuivre : « En somme, c’était un discours monotone : aucune figure de style, pas de rythme, pas de travail sur le paraverbal ni le non verbal. Un discours sans goût et sans âme. On aurait mieux fait la lecture d’un communiqué de presse. «
D’où l’intérêt de poser la question suivante: pourquoi est-ce important d’utiliser les techniques du discours ?
De ce fait, Mehdi Ghazzai souligne : « La parole politique ne doit pas s’aplatir devant le réel mais le transfigurer, et un discours inspirant peut canaliser des espoirs et changer le cours de l’histoire. Et c’est ce qui aide à constituer la ceinture populaire comme celle qu’a portée le gouvernement d’Ilyess Fakhfakh avant l’affaire du conflit d’intérêts. «
Et d’ajouter: « Toujours sur la forme, on note aussi le retour à l’arabe littéraire technocrate, déconnecté du réel. Contrairement à Ilyes Fakhfakh qui a utilisé la Dérija lors de son discours en se plaçant comme le porte-parole du peuple dans le parlement, Monsieur Mechichi s’est contenté lui d’utiliser l’arabe littéraire, ce qui nous donne l’impression que c’était le porte-parole de l’administration au parlement. «
Sur le fond maintenant
Mehdi Ghazzai souligne pour sa part : « Le chef du gouvernement désigné a utilisé une stratégie discursive en U. Il y a trois grandes parties dans une stratégie en U : le premier tronçon descendant était l’occasion pour Mechichi de faire une énumération de tous les indicateurs de la crise actuelle. Une chose que nous connaissons déjà. »
Et d’ajouter : « Le second tronçon, entamé à la 12ème minute, a commencé avec l’utilisation du pronom « Je ». Mechichi a mis en avant son expérience dans les différentes hautes fonctions de l’État ainsi que le choix d’une équipe gouvernementale qui connait bien les dossiers. On appelle ceci un processus de légitimation. Après avoir dressé un tableau noir de la situation, Mechichi se pose comme légitime pour apporter la solution. Et enfin le troisième tronçon ascendant est donc l’énumération des solutions. »
Selon lui, « cette stratégie en U est très efficace pour faire passer l’audience d’un sentiment de peur et d’inquiétude à un sentiment d’espoir et de joie. «
Mais la grande question, a-t-on ressenti de l’espoir et de la joie ? Non, d’après lui. Tout en rajoutant: « Pourquoi ? La réponse est très simple : Quand Mechichi déclare vouloir reformer l’administration par exemple ou soutenir les classes les plus vulnérables, il utilise ici un procédé rhétorique fallacieux : les concepts opérationnels. »
Selon lui, un concept opérationnel est un concept creux, non défini et impropre à fonder un raisonnement structuré.
Et de poursuivre: « Bien sûr que nous voulons tous réformer l’administration. Bien sûr que nous voulons tous soutenir les classes les plus populaires, mais la question est comment va-t-on procéder ? Quelles mesures va-t-on entreprendre ? Qui sont nos alliés ? Quelles grandes directions l’État va-t-il prendre ? »
Et de conclure: « Ces slogans creux nous rappellent les discours des ministres d’avant la révolution. Et donc la seule technique utilisée par Mechichi est finalement la langue de bois, ce qui risque de nuire à la qualité du débat public et politique, et par conséquent, nuire à notre démocratie. »