Que faut-il penser de l’annonce de l’OMV, la compagnie pétrolière autrichienne? En effet, elle devrait procéder, dans les jours qui viennent, à la « démobilisation de son personnel » en Tunisie. Et ce, concernant celui opérant dans les champs pétroliers à Tataouine (sud de la Tunisie). Suite à l’arrêt total de la production; arrêt qui dure depuis plus d’un mois sur ses sites d’exploitation. Ezzeddine Saïdane, économiste, apporte son éclairage sur la situation économique. Mais aussi de son impact sur l’investissement.
Ainsi, M. Saïdane souligne dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com: « La Tunisie a besoin d’un investissement direct étranger. Et parce que de toute façon toute la machine de l’investissement est en panne… Nous sommes incapables d’exporter par nos propres moyens nos ressources pétrolières. »
Puis, il poursuit: « Or quand une compagnie aussi importante qu’OMV fait une annonce de ce type là; l’annonce n’est pas orientée en direction du gouvernement seulement. Elle est orientée vers toutes les sociétés pétrolières qui considèrent la Tunisie comme une destination d’investissement. C’est un acte extrêmement grave. Parce que ce que nous ne produisons pas nous l’importons de l’étranger. Avec des devises étrangères que nous n’avons pas. Puisque le pays a atteint un niveau d’endettement excessif. Aujourd’hui, nous nous endettons pour importer les produits alimentaires, les hydrocarbures, les médicaments. Et on se permet de bloquer la production du pétrole. »
En 2010, la Tunisie avait atteint l’auto-suffisance en hydrocarbures
Par ailleurs, il rappelle qu’à titre de comparaison, « en 2010, la Tunisie atteignait l’auto-suffisance en hydrocarbures. Aujourd’hui, nous sommes descendus de 100% à 35%. Ce qui se passe est un véritable drame ».
Et de poursuivre : « En ce sens, ce que nous produisions correspondait à 100% de notre consommation. Ce n’est pas le seul secteur affecté. Regardez ce qui se passe avec le secteur du phosphate. D’ailleurs, l’Etat a annoncé, hier, l’importation de 60 mille tonnes d’ammonitrate. Or, la Tunisie est un pays exportateur d’ammonitrate, qui aujourd’hui importe de l’ammonitrate pour sauver sa saison agricole. »
Avant de continuer : « La Tunisie qui était le deuxième pays au monde dans la production du phosphate importe aujourd’hui du phosphate brut. Pour que le groupe chimique ne s’arrête pas à son tour. Ajouter à cela les chiffres que l’INS annonçait le samedi 15 août 2020, une date inoubliable. Des chiffres qui étaient véritablement un tremblement de terre. A savoir que l’INS mentionnait que le taux de croissance réalisé au deuxième trimestre de cette année comparée à celui de l’année dernière. C’est-à-dire qu’en glissement annuel, nous avons une croissance négative de 21.6%. Alors que pour le semestre, nous réalisons une croissance négative de -11.2%. »
Pour ce qui est du taux de chômage
Par ailleurs, il souligne : « Nous avions un taux de chômage de 15.1 % avant la pandémie de la Covid-19. Nous sommes montés à 18%, en perdant en trois mois 161 mille emplois. Ce qui équivaut à 161 mille familles, soit 750 mille Tunisiens qui avaient un revenu et qui n’ont en plus. Et bien sûr certains mettent tout cela sur le dos de la pandémie de Covid, ce qui est faux. Et la preuve, c’est que le taux de croissance réalisé au deuxième semestre de 2019 était égal à zéro. Quant au taux de croissance du premier trimestre, avant la pandémie de cette année, il était de -2.2%. Et avec tout cela, on continue à bloquer la production et à empêcher les entreprises de fonctionner. La Tunisie est un pays qui se suicide économiquement et socialement, dans sa situation actuelle. »
En quoi l’Etat a-t-il failli ? Serait-ce lié à la mauvaise gouvernance ? Pour sa part, M. Saïdane estime que: « Il existe plusieurs raisons, car toute transition démocratique a un prix. Et la sagesse implique que tout prix soit supportable pour toute transition. Ce qui n’est pas le cas pour nous. En effet, nous avons eu depuis 2011 une politique tumultueuse. Avec des responsables politiques dont la loyauté était à leur partis politique et non à la patrie ; à cause de calculs partisans. »
Enfin, il conclut: « Ce sont ces calculs qui les ont amenés à ces postes. Mais, il n’y a pas eu que la mauvaise gouvernance catastrophique qui a saigné le pays à blanc. Laquelle a créé de très mauvaises habitudes, de mauvais réflexes. En fait, considérer que les Tunisiens aujourd’hui ne sont pas des travailleurs est faux. Puisqu’ils travaillent très bien quand ils sont à l’étranger. Ils travaillent même extrêmement bien. Alors c’est l’environnement dans lequel est mis le travailleur tunisien aujourd’hui qui en est la cause. Un environnement créé notamment par la classe politique. »
Vous trouverez ci-dessous l’intégralité de l’interview en audio: