Les Emirats Arabes Unis et Bahreïn ont signé la normalisation des relations avec Israël, à Washington. Ce qui a provoqué l’émoi dans le monde arabe dans son ensemble. Elyes Kasri, ancien ambassadeur de Tunisie au Japon, en Allemagne et à Séoul, apporte son éclairage.
Elyes Kasri souligne pour sa part : « Au-delà de la conjoncture électorale américaine, avec un candidat Trump dans une situation politique précaire d’après les sondages, il est évident que les considérations géostratégiques globales et régionales ont créé un environnement favorable à la récente normalisation officielle des Emirats Arabes Unis et du Bahreïn avec Israël … »
Il revient sur la cause palestinienne et la solution des deux Etats (Palestine et Israël) et son fondement juridique international, notamment les résolutions onusiennes 181 (novembre 1947: plan de partage de la Palestine en deux Etats israélien et palestinien), 242 (novembre 1967, à la suite de la guerre du 5 juin 1967) et 338 (à la suite de la guerre d’octobre 1973) ont été les grandes victimes de l’Islam politique qui, sous couvert de la résistance à l’occupation sioniste, a érodé la légitimité internationale de l’Autorité palestinienne et ramené le conflit israélo-palestinien sur le terrain du radicalisme religieux et de la violence que la propagande israélienne a appris à retourner à son avantage en justifiant le reniement par Israël de ses obligations et engagements internationaux.
Et de poursuivre: « D’autre part, l’assaut des organisations islamistes contre la Syrie et la résistance syro-russo-iranienne a fini par renforcer l’influence irano-chiite sur toute la région du Golfe, faisant changer chez les pays du Golfe la perception de la menace extérieure et remplacer Israël (quoique cet antagonisme était plus diplomatique que réel) par une menace réelle que représente l’Iran et les organisations et milices chiites. Faisant ainsi d’Israël l’ennemi irano-chiite, l’ami et même l’allié des pays du Golfe.
Ce n’est pas par hasard si les Emirats avec un contentieux territorial avec l’Iran et le Bahrein, qui a beaucoup de mal à contrôler sa majorité chiite, ont été les premiers pays du Golfe à sauter le pas de la normalisation officielle et publique avec Israël. »
Avant d’ajouter: « Ce qui est doublement regrettable, c’est que les pays arabes donnent ainsi l’impression de lâcher le peuple palestinien à son triste sort sous une occupation israélienne de plus en plus réfractaire à toute solution politique équitable du conflit israélo-palestinien même dans la version la plus minimaliste de la solution des deux Etats, et que cet aveu d’impuissance et même de lâchage du peuple palestinien se fassent sous la présidence tunisienne de la Ligue Arabe. »
Et de poursuivre: « Si l’histoire du peuple palestinien se rappelait du discours historique et visionnaire du leader Habib Bourguiba à Jericho (Ariha) en mars 1965 ainsi que l’accueil de la direction palestinienne en Tunisie en 1982 et son départ en 1994 vers la Palestine dans le cadre du processus de paix, il est à espérer que la série d’accords de paix (ceux qui viennent d’être signés et ceux annoncés pour bientôt) entre les pays arabes et Israël, ne soient reprochés à la Ligue arabe -vu son mutisme – actuellement sous présidence tunisienne. Il va sans dire que les Palestiniens se sentent trahis une nouvelle fois. Des voix s’élèvent déjà dans les Territoires palestiniens pour demander le retrait de la Palestine de la Ligue Arabe. »
« Une représentation chaotique des pays arabes »
Interrogé sur la position de la Tunisie vis-à-vis de ce qui se passe dans le monde arabe? A cette interrogation, il a répondu: « Dans sa situation politique actuelle, l’absence de vision et de dynamisme de la Tunisie sur la scène internationale sont mis à nu par une présidence amorphe de la Ligue Arabe et une représentation chaotique des pays arabes au sein du Conseil de Sécurité des Nations unies. »
Et de conclure: « Faute d’une révision profonde de son discours politique et d’une adaptation aux nouvelles réalités internationales d’une manière qui préserve ses intérêts et une certaine marge de manœuvre pour aider, dans la mesure de nos moyens, nos frères palestiniens, la Tunisie risque d’accentuer sa marginalisation sur les scènes arabe et internationale et de ne plus être d’aucune utilité pour nos frères palestiniens dans leur combat pour leurs droits légitimes conformément à la légalité internationale. »