Le président turc Erdogan doit jubiler. Il a trouvé un autre foyer de tension où fourrer son nez. Comment penser autrement quand on sait que, depuis une décennie, il n’a rien fait d’autre qu’arpenter la région et le monde. A la recherche de problèmes à envenimer, de crises à aggraver, de terroristes à rassembler, de pays à déstabiliser et de guerres à s’y engouffrer…
Erdogan ne semble pas se soucier outre mesure des conséquences catastrophiques de son banditisme politique sur la réputation de son pays et de son économie. Après la Syrie, l’Irak et la Libye où il est toujours englué ; après ses bravades contre la Grèce et ses fanfaronnades contre la France, le voilà qui prend la direction du Caucase pour se lancer tête première dans la crise qui vient de surgir de nouveau entre les deux anciennes républiques soviétiques : l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
La controverse entre ces deux pays sur le Haut-Karabakh, une enclave montagneuse de 4400 km2, remonte à un siècle. Quand l’Arménie et l’Azerbaïdjan rejoignirent l’Union soviétique, Staline décida arbitrairement le rattachement du Haut-Karabakh, peuplé en majorité d’Arméniens chrétiens, à l’Azerbaïdjan, majoritairement musulman.
La chape de plomb soviétique empêcha tout conflit sur le sujet entre les deux républiques voisines. Le conflit éclata naturellement avec l’effondrement de l’URSS en 1991. La même année, l’Azerbaïdjan décréta son indépendance le 30 août. Trois jours plus tard, le 2 septembre 1991, la majorité arménienne de l’enclave vota la séparation de l’Azerbaïdjan et proclama la république du Haut-Karabakh. Un casus belli qui déclencha une guerre sanglante entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Elle dura deux ans et fit 30.000 morts.
L’accord de 1994 entre les deux pays n’a pas résolu les problèmes. Il les a gelés. La preuve, les escarmouches qui éclataient de temps en temps entre Arméniens et Azéris. La preuve surtout les combats qui ont brusquement éclaté le 27 septembre, chaque pays faisant assumer à l’autre la responsabilité de la guerre.
Si la Turquie était absente de la dernière guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (1992-1994), c’est parce qu’elle était dirigée alors par Suleyman Demirel qui, à l’instar de Turgut Ozal, Bulent Ecevit, Tansu Ciller et d’autres politiciens, était soucieux de l’intérêt de son pays. Et du respect des voisins et des amis. Ces politiciens turcs étaient à mille lieux de l’aventurisme ravageur et déstabilisateur de l’islamiste Erdogan. Les amitiés qu’ils avaient laborieusement construites à travers le monde sont aujourd’hui détruites ou gravement endommagées. La réputation de la Turquie qu’ils avaient délicatement entretenue est aujourd’hui fortement entachée.
L’histoire et ses vicissitudes
Si la Turquie ne s’était pas immiscée dans la dernière crise du Haut-Karabakh, c’était aussi parce que les dirigeants de l’époque étaient de vrais hommes d’Etat. Ils prenaient en compte l’histoire et ses vicissitudes. Surtout en rapport avec la question arménienne. Comment pouvaient-ils ignorer les graves accusations de génocide arménien qui pèsent sur l’Empire ottoman ? Et s’engager ouvertement dans le conflit aux côtés de l’Azerbaïdjan et contre l’Arménie ?
Si Erdogan l’a fait, c’est parce qu’il est un piètre politicien. Qui n’est pas à une bourde près. Sa réputation de président-paria, détesté de la plupart de ses pairs, l’engage dans un aventurisme de plus en plus amplifié. Et de plus en plus dommageable pour les intérêts de la Turquie et de sa réputation.
Son arrogance de politicien futile l’empêche de jouer le rôle de médiateur qui cherche la paix et la stabilité dans la région. Mais le pousse à jouer les pyromanes. Son jeu de prédilection où il a excellé en Syrie, en Irak et en Libye.
L’ambassadeur d’Arménie en Russie, cité par la presse russe, a accusé la Turquie d’avoir déplacé environ 4 000 terroristes du nord de la Syrie vers l’Azerbaïdjan. Pour prendre part aux affrontements dans le Haut-Karabakh. Si elle n’est pas vérifiable, l’information est crédible. Car celui qui a pu déplacer 40.000 terroristes de Syrie pour guerroyer en Libye, pourquoi n’enverrait-t-il pas 4000 autres guerroyer dans le Haut Karabakh ? Surtout, comme l’a dit le président islamiste, « les Turcs et les azéris sont un seul peuple dans deux pays. »