La grève inopinée d’hier lancée par les syndicats de la SNCFT montre à quel point l’Etat doit impérativement réviser sa politique sociale et, surtout, sa gouvernance. Le pays ne supporte plus une situation aussi tendue.
La SNCFT est une société qui rencontre d’énormes difficultés financières. Si nous nous référons aux chiffres de l’INS, les recettes de transport des voyageurs de 2019 ne dépassent pas les 37 millions de dinars.
Il faut dire que le prix des billets reste clairement inférieur au coût réel. C’est une politique supportée par l’Etat depuis des décennies. Mais ces revenus restent largement inférieurs à celle de 2010 qui étaient de l’ordre de 55 millions de dinars. La chute a été brutale en 2011. Le niveau d’activité n’a jamais pu atteindre de nouveau les seuils de 2010.
Le vrai coup dur a concerné le transport de marchandises. Les recettes ont à peine dépassé 32 millions de dinars en 2019, contre 64,5 millions de dinars en 2010. Le blocage des voies ferrées qui a eu des centaines de fois, la baisse de l’activité d’extraction des phosphates et la concurrence du transport par camions ont eu la peau de ce segment d’activité.
Selon le ministère des Finances, les chiffres de 2018 montrent que les revenus d’exploitation de la société se sont établis à 158 millions de dinars pour des charges opérationnelles de 220 millions. La SNCFT affiche des pertes reportées de 577 millions de dinars. Si nous ajoutons au tableau la Covid-19 et ses implications sur l’exploitation, nous pouvons facilement déduire la situation réelle de la compagnie.
Le modèle allemand est inspirant
Bien que les finances soient sous pression, les syndicats avaient hier des revendications matérielles. Ces quelques lignes ne cherchent pas à juger leur légitimité, mais plutôt à contribuer par des concepts capables d’éviter que de telles situations se reproduisent.
En 2018, le salaire brut moyen annuel d’un agent de la SNCFT était de 25 216 dinars. Ce qui le place dans la même fourchette que les fonctionnaires de l’Etat. La masse salariale du personnel de la société a représenté 73,7% de ses revenus. Ce qui est insoutenable. Il faut impérativement doper l’activité commerciale pour retrouver l’équilibre.
La solution passe par la transparence et l’échange constructif entre les parties prenantes à la société, donc un changement profond de la gouvernance. L’un des meilleurs modèles qui peuvent inspirer des idées est celui allemand.
Ce système accorde un fort taux de représentation des travailleurs aux conseils de surveillance des grandes entreprises qui peut aller jusqu’à la moitié des sièges au-delà de 2 000 employés.
Dans ce cas, le Président du conseil de surveillance est toujours un représentant des actionnaires. Il dispose d’une deuxième voix décisive en matière de prises de décisions. C’est donc un modèle qui accorde le dernier mot aux actionnaires, mais qui donne la possibilité aux employés de la société de participer à l’élaboration de sa stratégie et d’accéder à ses données financières.
Dans une telle configuration, il serait difficile de voir les syndicats contester. Ils seraient même les premiers à défendre la mise en place de politiques en faveur d’une meilleure productivité.
Le style actuel qui enracine une séparation entre des dirigeants appuyés par le pouvoir central et des employés qui utilisent les réseaux sociaux est caduc. Maintenant, il faut avoir la conviction que toutes les parties prenantes sont dans le même bateau. S’il coule cette fois, c’est irrécupérable.