Les répercussions de la crise sanitaire ont frappé de plein fouet le secteur de l’artisanat. En effet, 90% des entreprises qui exercent dans ce secteur sont en situation de blocage total. Et 40% d’entre-elles ont même mis la clé sous la porte. S’est alarmé, mercredi, le président de la Fédération de l’artisanat relevant de l’UTICA, Salah Amamou.
Il affirme que le secteur traverse une crise sans précédent. Il déclare : « La situation est pire que celle qui prévalait pendant la crise économique de 2008 ou pendant la guerre du Golfe ». En effet, « des artisans se sont trouvés dans l’obligation de quitter leurs locaux faute de pouvoir payer leur loyer « , s’est-il insurgé.
Il explique que le secteur de l’artisanat vit grâce à deux marchés, l’intérieur et l’extérieur. Lesquels sont intimement liés au tourisme. Pour ce qui du marché local, le pouvoir d’achat des Tunisiens s’est tellement détérioré que les produits artisanaux sont devenus un luxe inaccessible. Regrette-t-il. Pour ce qui est du marché extérieur, l’activité touristique est quasiment à l’arrêt. Il affirme que les artisans ne trouvent aucun débouché pour leurs productions. Et donc ne produisent plus. Car pour la majorité d’entre eux, l’option de stocker les produits pour des temps meilleurs, n’est pas envisageable. Car par trop coûteuse.
Décision irréfléchie de rouvrir les frontières
Pour le président de la Fédération de l’artisanat, la réouverture des frontières, le 27 juin 2020, a porté un coup fatal au secteur. «Après les difficultés rencontrées lors de la période du confinement général, certains artisans, notamment les plus jeunes d’entre eux, ont eu recours au «social selling » ou la vente via les réseaux sociaux. Mais l’explosion du nombre de cas de contamination à la Covid-19, provoquée par la décision irréfléchie de rouvrir les frontières, a de nouveau sapé les espoirs de ces artisans ».
D’après lui, « le secteur attend toujours le déblocage des crédits dans le cadre de la ligne de crédit de 10 millions de dinars mise à la disposition du secteur de l’artisanat pour fournir de la liquidité aux artisans. Pour ce qui est de la toute petite indemnité de 200 dinars, décidée en faveur des petits commerçants et des artisans via la plateforme des demandes de compensation « batinda.gov.tn », nous ne savons toujours pas à qui elle a profité » .
Qualifiant de «positive» la dernière séance de travail tenue, mardi, avec le ministre du Tourisme et de l’artisanat, Habib Ammar et le Directeur Général de l’Office National de l’Artisanat, Faouzi Ben Halima, en présence d’autres responsables du secteur, Amamou a fait savoir que les revendications formulées à l’autorité de tutelle concernent essentiellement « le déblocage immédiat de crédits, sans intérêts, aux artisans dans le cadre de la ligne de crédit destinée au secteur ».
Ces revendications concernent aussi et surtout l’application des décisions du Conseil ministériel restreint du 15 février 2016. Il s’agit notamment de la mise en place d’une structure pour l’approvisionnement en matières premières et pour la commercialisation des produits du secteur dans le cadre d’un partenariat public-privé, la création d’un système de formation professionnelle propre au secteur de l’artisanat. Cette structure sera sous la tutelle de l’Office national de l’artisanat et la transformation du centre technique du tapis et du tissage en une agence disposant des compétences nécessaires pour fournir les matières premières et commercialiser le produit pour le secteur du tissage et du tapis.
Pourquoi rendre la vie encore plus dure ?
Amamou a, également, déclaré avoir discuté avec les responsables du secteur de la nécessité de renoncer à la suppression du régime forfaitaire pour les artisans. Et son remplacement par un régime réel selon les zones géographiques.
«Cette proposition une fois validée, risque de saper tous les efforts que nous avons faits jusque-là pour convaincre les artisans de sortir de l’ombre et de disposer d’un matricule fiscal » patente « . Le régime forfaitaire, de par sa simplicité, est le mieux approprié aux petits artisans, dont la majorité est incapable de passer sous le régime réel, trop compliqué et inadéquat au vu de leurs bénéfices ».
« Les entreprises artisanales qui réussissent à agrandir leur activité et à accroître leur niveau de bénéfices passent automatiquement sous le régime réel, car elles ne peuvent exporter qu’en se soumettant à ce régime. Alors pourquoi rendre la vie encore plus dure aux petits artisans, au risque de les pousser à revenir vers l’informel ou à abandonner leur gagne-pain ?», s’est-il amèrement interrogé.
Pour Amamou, l’instabilité gouvernementale et les changements de vis-à-vis gouvernementaux a également retardé la résolution des maux du secteur. Selon lui ce secteur « est en train de mourir à petit feu, à défaut d’une réelle volonté de le redresser ».
Avec TAP