Face à la gravité de la situation épidémiologique en Tunisie, le chef du gouvernement Hichem Mechichi n’a pas exclu le recours à la fixation des tarifs et à la réquisition des cliniques privées pour la prise en charge des malades Covid+.
Une mesure qui risque de rester lettre morte en l’absence de texte juridique ad hoc concernant ces cliniques.
Afin de faire face à la croissance exponentielle des contaminations par le Covid-19 due à la deuxième vague laquelle, selon les prévisions des scientifiques du monde entier, s’annonce meurtrière, il est clair que les hôpitaux publics en Tunisie seront bientôt débordés, notamment au mois de novembre et décembre prochains, les deux mois de tous les dangers. Car ces établissements sont menacés par le manque flagrant des lits de réanimation, par l’encombrement des urgences, ainsi que la pénurie du personnel médical qualifié.
Cliniques: Devoir et patriotisme
Mais qu’en est-il des cliniques privées dont le devoir et le patriotisme incitent à épauler le secteur public en ces temps de crise majeure où la santé publique est en danger ?
Faut-il rappeler à cet égard que dans les pays civilisés, les cliniques privées se mobilisent spontanément pour aider les hôpitaux publics à faire face à la pandémie du Coronavirus.
Passer d’abord à la caisse
Car, dans ces pays régis par le régime libéral où l’argent est roi, personne n’est abandonné à son sort. Personne ne demande aux malades un «chèque de caution». Les malades reçoivent les soins appropriés quitte à s’arranger plus tard avec les régimes sociaux.
Ce n’est malheureusement pas le cas pour la majorité de nos honorables cliniques privées, lesquelles exigent des sommes exorbitantes avant l’admission du patient. Ainsi, avant même d’y mettre les pieds, le patient est sommé de passer à la caisse pour y laisser un chèque de garantie d’un montant pouvant atteindre les 50 mille dinars pour une prise en charge dans le circuit Covid !
Une santé à deux vitesses
D’ailleurs, les cliniques privées sont pointée du doigt pour leur cupidité. Voulant justifier les frais astronomiques de traitement du coronavirus, Faouzi Charfi, secrétaire général de l’Union des médecins spécialistes libéraux (UMSL) argue que les frais de traitement de la maladie de la Covid-19 coûteraient au moins 45 mille dinars par patient dans les cliniques privées. « Pour les cliniques, un jour de réanimation coûte en moyenne 3 mille dinars, ce qui fait qu’une quinzaine de jours de traitement et de réanimation seront facturés plus de 45 mille dinars ».
Et de rappeler que la crise sanitaire a eu des répercussions importantes sur les cliniques privées dont les recettes ont enregistré une baisse de 80% en raison du report de plusieurs actes chirurgicaux et l’absence de patients étrangers.
Et les peu nantis, et la classe moyenne dans tout cela ? Cette ségrégation inadmissible par l’argent aboutit à un constat glaçant : seuls les nantis ont recours aux soins appropriés, les laissés-pour-compte sont condamnés à crever dans l’indifférence générale….
Heureusement, les autorités qui faisaient la sourde oreille ont fini par réagir. Ainsi, lors d’une interview accordée dimanche dernier à la chaîne nationale, le Chef du Gouvernement Hichem Mechichi a promis que chaque patient Covid-19, ne trouvant pas un lit dans les hôpitaux publics, sera transféré vers une clinique privée.
Réquisition et fixation des tarifs
De même Mechichi n’a pas exclu le recours à la fixation des tarifs et à la réquisition du secteur privé pour la prise en charge des malades Covid+. « Le malade qui ne trouve pas un lit dans le secteur public pourra se rendre dans un clinique privée, et l’Etat le prendra en charge ». Réquisition et fixation des tarifs, le mot est enfin prononcé.
A cet égard, la décision courageuse et tant espérée du chef du gouvernement a été approuvée par le président de la chambre syndicale des cliniques privées, Boubaker Zakhama. Lequel vient de confirmer sur les ondes de Mosaïque FM, que le secteur privé est prêt à appuyer les efforts de l’Etat en matière de prise en charge des malades.
Scepticisme
Toutefois, on reste sceptique quant à la faisabilité de tels transferts des malades vers les établissements de santé privés. L’Etat a-t’il la capacité de prendre en charge un grand nombre de patients en clinique ? Y a-t-il eu un accord sur la procédure à suivre pour un patient venu du public ? Quid de la signature d’un décret gouvernemental qui impose au secteur privé d’accueillir les malades des hôpitaux si la capacité de ces derniers est dépassée ?
Il est temps de répondre rapidement à ce questionnement brûlant, d’autant plus qu’il ya péril en la demeure.