La très probable nomination de Mohamed Ghariani suscite une franche hostilité au sein de l’hémicycle. Il serait chargé du dossier de la réconciliation nationale et de la justice transitionnelle au cabinet de Rached Ghannouchi à l’ARP. Car, elle est jugée « contre nature ». Et se perçoit comme une simple manœuvre politique ou plutôt politicienne.
Ainsi, l’entrée de Mohamed Ghariani, figure emblématique de l’ancien régime, à l’hémicycle ne cesse de susciter des remous. Pas seulement au sein de la base d’Ennahdha. Celle-ci ne comprenant pas que son chef puisse faire entrer le loup dans la bergerie. Mais aussi chez un large pan des partis politiques représentés au Parlement. Sans parler du PDL qui ne s’est pas encore exprimé. Attendant sans doute que la nomination de l’ancien SG du RCD soit officielle pour crier à la félonie et à la trahison. Du pain béni pour la coriace Abir Moussi.
Déjà, Mongi Rahoui, député du Front Populaire (FP), n’a pas eu de mots assez durs. Et ce, pour qualifier « l’opportunisme » du nouveau chouchou du cheikh de Montplaisir.
« Persona non grata »
A cet égard, Mongi Rahoui intervenait hier lundi sur les ondes de Jawhara FM. Il y affirmait que, par respect pour lui-même, Mohamed Ghariani n’aurait pas dû accepter le poste de conseiller du président de l’ARP chargé de la réconciliation nationale. Notamment en raison d’un conflit d’intérêts, étant lui-même partie prenante dans ce dossier brûlant.
« Mohamed Ghariani, ancien secrétaire général du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) dissous est accusé dans plusieurs affaires de corruption politique dont il était l’un des symboles du système corrompu de Ben Ali. Il ne peut, de ce fait, s’occuper du dossier de la justice transitionnelle ». S’est écrié le député du Front populaire au cours de l’émission « Politica ».
Et de revenir à la charge: « Ghariani n’est pas le bienvenu, il ne sera pas accepté à l’hémicycle. Il ne mettra pas les pieds au Parlement. On va tout faire pour l’empêcher de travailler. Même si le cheikh de la destruction de la Tunisie veut l’imposer à l’Assemblée, nous refusons toute réconciliation venant de lui »; prévient-il encore.
En attendant, la nouvelle nomination de Mohamed Ghariani au cabinet de Rached Ghannouchi à l’ARP est sur la bonne voie. Ainsi, ce lundi 2 novembre, il présentait sa démission de Tahya Tounes.
« Suite à ma désignation par Rached Ghannouchi, président de l’ARP, pour occuper une mission de conseiller chargé du dossier de la réconciliation et de la justice transitionnelle et compte tenu de cette tâche, je me vois contraint de présenter ma démission de Tahya Tounes », arguait-il dans sa lettre de démission.
Ajbouni: « Gaspillage des deniers publics »
Faut-il rappeler à cet égard que l’attitude hostile de Mongi Rahoui est partagée par plusieurs élus. Ainsi, pour le député d’Attayar, Hichem Ajbouni, cette désignation est un simple « gaspillage des deniers publics à des fins politiques. Il est clair que Rached Ghannouchi veut désigner le dernier secrétaire général du RCD dans le cadre de son conflit politique avec Abir Moussi », soutient-il.
Tebini: « Que Ghannouchi l’emmène à Monplaisir »
Idem pour le bouillonnant député de la Voix des agriculteurs, Fayçal Tebini. Puisqu’il ironise: « Ghariani croit-il vraiment à la réconciliation nationale et à la Révolution? Si Ghannouchi tient à lui qu’il l’emmène à Montplaisir ».
Même réaction de la part de Seifeddine Makhlouf, porte-parole de la Coalition Al-Karama et principal allié d’Ennahdha. Ce dernier affirme sur son compte Facebook s’opposer « énergiquement » à cette nomination; en raison de « l’implication d’une telle figure dans le traitement des dossiers des martyrs et blessés de la révolution ».
Une situation cocasse
Disons pour conclure que la situation est cocasse: une figure emblématique de l’ancien régime est chargée de traiter un dossier consécutif à la révolution dont il était l’une des victimes. De plus, et c’est « un pur hasard », Ghariani était le patron de Abir Moussi, l’ennemie irréductible de Ghannouchi, lequel sera son futur patron à l’ARP…
Allez comprendre quelque chose à cet imbroglio; c’est à en perdre son latin!