L’émission d’investigation « Les quatre vérités » révélait qu’une entreprise tunisienne déclarait importer des déchets plastiques industriels. Alors qu’en vérité, il s’agit de déchets plastiques ainsi que des déchets conformes aux normes nationales et internationales. Une combine frauduleuse à l’insu du ministère de l’Environnement? Notre beau pays transformé en poubelle des pays riches?
Effectivement, on aura tout vu et tout entendu durant ces dix dernières années. Depuis des pots de vin au non respect des lois. En passant par la corruption qui gangrène les administrations publiques; et les affaires douteuses au sein des ministères sous couvert de bureaucratie en apparence tatillonne. Pour tomber sur des politicards pourris, élus mafieux et j’en passe… Aujourd’hui, il s’agit de recyclage de déchets de pays tiers sur le sol tunisien.
Pour preuve, la dernière affaire en date. Elle concerne un marché conclu par une société tunisienne pour l’importation de déchets de l’Italie. Et c’est le reportage d’investigation effectué par l’équipe de notre confrère Hamza Balloumi qui le révèle; dans l’émission « Les quatre vérités ». Ainsi, 70 conteneurs en provenance d’Italie, transportant 120 tonnes de déchets, viennent d’arriver en Tunisie. Tandis que plus de 200 autres conteneurs sont encore en attente dans le port de Sousse.
Déclarations frauduleuses
Or, selon cette enquête, cette entreprise tunisienne est spécialisée dans le recyclage des déchets plastiques industriels; et sise dans la zone industrielle de Sidi Abdelhamid à Sousse. Elle aurait déclaré importer des déchets plastiques industriels. Alors qu’en vérité, il s’agit de déchets ménagers, ainsi que des déchets hospitaliers. Lesquels sont extrêmement nocifs pour l’environnement. De plus, l’importation n’est pas conforme aux normes nationale et internationale.
De plus, toujours selon « Les quatre vérités », faisant manifestement fi des lois interdisant l’import des déchets ménagers, la même entreprise tunisienne s’est engagée auprès d’une entreprise italienne. Et ce, pour l’import de 120.000 tonnes par an. Soit l’équivalent des déchets produits par le Grand Tunis durant 15 jours; pour environ 150 dinars la tonne. Le montant total du marché s’élevant à 18 millions de dinars par an.
A ce stade, il est légitime de s’interroger sur le rôle qu’a joué le ministère des Affaires locales et de l’Environnement dans cette affaire. Puisqu’il est le seul habilité à donner son aval pour ce genre d’opération.
« Combines et viol des procédures »
Interpelé par les enquêteurs d’Al Hiwar Attounsi, le ministère a nié en bloc toute collusion avec cette entreprise. En affirmant ne lui avoir accordé aucune licence pour importer des déchets de l’étranger. Selon la même source, la société en question « a mis en place des combines pour violer les procédures. Notamment en ce qui concerne les procédures d’import spécifiées dans la législation nationale et les accords internationaux ».
D’ailleurs, « l’affaire a été découverte par les services douaniers depuis juillet dernier. Il a été décidé de refuser tous les nouveaux conteneurs et de rendre à l’entreprise italienne toutes les quantités précédemment importées ». C’est ce qu’ajoute un communiqué émanant du ministère.
De son côté, le porte-parole de la Douane, Haythem Zanned, confirmait, hier mercredi, que 70 conteneurs de ces déchets importés par la société contrevenante ont été mis sous scellés. En attendant l’application de la décision relative au renvoi de ces conteneurs.
Pour ce qui est du reste des conteneurs qui sont au nombre de 212, le porte-parole confirme qu’ils sont encore en attente, dans le port de Sousse.
Qui sont les responsables ?
En outre, Maître Mehdi Noureddine, avocat de la société récriminée, prenait sa défense. En affirmant, mercredi 4 novembre 2020, que cette société est spécialisée dans le recyclage et la valorisation des déchets en plastique. Et qu’elle transforme les déchets non dangereux; et ce, avant de les exporter entièrement vers le pays d’origine.
De même, l’avocat ajoute que la société a également contacté l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE). En vue d’effectuer une étude sur l’éventuel impact négatif de ses activités sur l’environnement. Et ce, avant d’obtenir l’accord de l’agence, pour pouvoir procéder à l’importation des déchets.
Puis, il poursuit: « La société est totalement exportatrice et se conforme donc aux dispositions de l’article 138 du Code des douanes ».
Au final, notons à cet égard que la Tunisie est signataire de plusieurs conventions internationales concernant les déchets. Notamment la convention de Bale sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. Ainsi que la convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux.