Loi de finances complémentaire 2020: il paraît que nous nous orientons vers un début de solution. Tant mieux. Mais honnêtement de quelle solution il s’agit ?
Il faut préciser tout d’abord que pour les 11 milliards de Dinars que demande le Gouvernement dans le cadre de cette loi de finance complémentaire, il s’agit de fonds qui ont déjà été dépensés (ce qui est prévu d’être payé aux entreprises publiques au titre de la Caisse de compensation) ou qui doivent être impérativement dépensés (salaires de la fonction publique notamment).
Que peut donc faire le Gouvernement en deux mois. Rien, ou presque. Qu’est-ce qui peut donc être reporté ? Rien. Ou presque. À moins que l’on veuille pousser le Gouvernement à réduire maintenant, ou à ne pas payer les salaires de la fonction publique.
Les chiffres étaient faux
Si l’on considère que les salaires de la fonction publique doivent impérativement être payés, et à temps, la seule « dépense » que peut reporter le Gouvernement, totalement ou partiellement, concerne les montants dus aux entreprises publiques au titre de la compensation.
Il faut préciser ici que ces montants étaient bien budgétisés, mais ils n’ont pas été décaissés rien que pour nous montrer en 2018 et 2019 que le Gouvernement était en train d’oeuvrer à améliorer la situation des finances publiques et de l’économie en général.
C’était faux. Nos chiffres « officiels » relatifs au déficit budgétaire et à la dette publique étaient faux. Ils étaient intentionnellement faussés. Et la Banque Centrale le savait. Elle le savait mieux que quiconque pour la bonne et simple raison que les montants non décaissés se retrouvaient au débit des comptes de ces mêmes entreprises publiques auprès des banques tunisiennes, et notamment les banques publiques. Les vases étaient et sont toujours communicants. On le savait tous, sauf ceux qui voulaient se voiler la face. Et ils sont nombreux ces jours-ci.
Début de solution
Le « début de solution » consiste donc à pousser le gouvernement à réduire les montants à décaisser en faveur des entreprises publiques. Montants qui leurs reviennent de plein droit. Cette solution va aboutir à trois choses:
- Les chiffres vont continuer à être maquillés, comme en 2018 et 2019;
- Le déficit budgétaire annoncé à 13,4% (niveau scandaleux sans doute) va être ramené à 7 ou 8% artificiellement, oui artificiellement;
- Le Gouvernement va se trouver piégé très rapidement en ce sens que le budget de 2021 a été construit sur la base du budget complémentaire de 2020. Si le budget complémentaire va subir une réduction des décaissements (je préfère ne pas les appeler dépenses), il va falloir retrouver l’équivalent de ces mêmes réductions comme augmentations des décaissements au titre de 2021.
Quel est donc l’intérêt de tout ce remue-ménage ? Rien, pour le pays en tout cas. Nous sommes en plein dans l’hypocrisie financière.
Si la Tunisie vit une telle situation difficile aujourd’hui, c’est bien parce que ceux qui ont été aux commandes, c’est à dire les Pouvoirs publics, Banque Centrale comprise, ont très mal géré les affaires du pays.
Ils devraient être solidaires aujourd’hui à trouver des solutions et à aider le pays à s’en sortir, plutôt que de jouer les champions et enfoncer le pays dans une crise encore plus grave.
L’heure est grave
Depuis 2011 le rythme des dépenses publiques était largement au-dessus des moyens du pays. Tous les indicateurs du pays, et notamment de la dette publique, se détérioraient à vue d’oeil. Les programmes avec le FMI se sont tous soldés par un échec.
Il faut noter que le Gouverneur de la Banque Centrale a toujours cosigné avec le Chef du Gouvernement ou le Ministre des Finances les lettres d’engagement vis-a-vis du FMI. Nous savons tous que la Tunisie n’a pas honoré les engagements pris vis-a-vis du FMI. Et donc de l’ensemble des institutions financières qui ont contribué au financement de la Tunisie.
Autre élément important: les statuts de la Banque Centrale stipulent clairement que la Banque Centrale est le conseiller financier du Gouvernement. Donc si la Tunisie se porte si mal aujourd’hui c’est parce que la Banque Centrale a failli à son obligation et n’a pas conseillé le Gouvernement. Ou plus grave encore que la Banque Centrale a été d’un si mauvais conseil.
La finance se porte mal
Nous entendons des voix nous dire aussi que la Banque Centrale peut « aider » mais qu’elle ne peut pas tout financer. Aider qui, aider qui à faire quoi ? Est-ce qu’il s’agit d’aide ici ? Avons-nous réellement compris les enjeux?
L’heure est grave, les intérêts du pays, la dignité du pays, la souveraineté du pays sont aujourd’hui dans la balance. Il ne s’agit pas de quitter le bateau parce qu’il est en train de sombrer. Non il faut s’atteler ensemble, solidairement, et de manière aussi responsable que digne, à redresser la barre du pays.
Le FMI a toujours proposé à ce que les augmentations de salaires en Tunisie soient liées au taux de croissance économique effectif réalisé. Pourquoi ne pas lier les dépenses publiques à l’évolution des moyens du pays, et donc au taux de croissance économique réalisé ?
Quelles que soient les solutions envisagées, il est indispensable d’arrêter cette hérésie, cette hypocrisie financière destructrice.
Le pays peut encore être sauvé, malgré tous les dégâts. Les solutions existent. Elles ont été proposées à maintes reprises. Il faut s’y mettre et laisser de côté ce dialogue de sourds par médias interposés.