Gérald Darmanin, le ministre français de l’Intérieur, arrive vendredi à Tunis. Et ce, pour une visite éclair de quelques heures. Objectif: demander le retour au bercail des ressortissants tunisiens radicalisés actuellement détenus en France. Et faciliter la reconduite à la frontière de migrants sans-papiers.
Que faire des Tunisiens radicalisés à l’extrême et jugés particulièrement dangereux actuellement sur le sol français? Et dont certains sont entrés de façon illégale? C’est tout le sens de la tournée de Gérald Darmanin au Maghreb.
Le problème se pose avec acuité en France, un pays traumatisé par l’attentat terroriste qui a eu lieu dans une basilique à Nice. Sachant que l’auteur de ce crime odieux, qui a coûté la vie à trois innocentes personnes, est de nationalité tunisienne. En effet, âgé de 21 ans, il a quitté la Tunisie mi-septembre dernier de manière irrégulière.
C’est donc dans ce contexte tendu que, missionné par le président Macron pour prendre des décisions radicales et énergiques au fléau terroriste qui secoue la France ces dernières semaines, Gérald Darmanin, qui était au Maroc le 16 octobre, atterrit aujourd’hui à Tunis; avant de s’envoler pour Alger.
Feuille de route pour cette tournée maghrébine : arracher aux autorités tunisiennes d’une part la délivrance des laissez-passer consulaires nécessaires au retour au bercail des Tunisiens radicalisés actuellement sur le territoire français. Et accélérer d’autre part la cadence des rapatriements des migrants illégaux.
« Menaces terroristes élevées »
D’ailleurs, dans une interview accordée à la chaine française BFMTV avant de se rendre à Tunis, le ministre de l’Intérieur a fait savoir que depuis trois ans, la France avait expulsé de son territoire 458 personnes « qui ont été confondues pour radicalisation ».
« Aujourd’hui, en France, le niveau de la menace terroriste est élevé. J’ai demandé aux préfets de mettre l’intégralité des étrangers en situation irrégulière, confondus de radicalisation, dans les centres de rétention administrative (CRA). Ils sont environ une centaine en situation radicalisée ». C’est ce qu’a ajouté Gérald Darmanin, lors de cette interview.
Rappelons qu’avant de se rendre en Tunisie, l’hôte de la place Beauvau avait demandé à rencontrer le chef de l’Etat, Kaïs Saïed. De même que le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et son homologue de l’Intérieur.
En outre, soulignons que le quotidien français Libération vient de consacrer un article intitulé « Ce que va tenter d’obtenir Gérald Darmanin en Tunisie vendredi ». Et ce, en rapport avec la visite éclair du ministre français de l’Intérieur pour une demi-journée bien remplie.
Frustration
« Côté français, écrit le quotidien parisien, on ne cache pas une certaine « frustration » devant le peu d’entrain de la chancellerie tunisienne à signer les laissez-passer consulaires (LPC); documents indispensables pour permettre le retour à la frontière des migrants sans papier. »
A l’heure actuelle, le consulat tunisien en France paraphe environ 55% des demandes de LPC, davantage que l’Algérie et le Maroc. Insuffisant pour Beauvau. D’autant plus que, depuis le début de l’année, les Tunisiens représentent la première nationalité des arrivées clandestines en Italie (41%). Telles sont les données que communique le ministère de l’Intérieur italien.
« A Tunis, Gérald Darmanin ne compte pas combler les 45% manquant; mais obtenir l’assurance du zèle tunisien pour les profils ciblés. Et ce, afin de mettre en œuvre aussitôt que possible les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Sans le précieux sésame, il suffit aujourd’hui aux Tunisiens illégaux de refuser le test PCR, obligatoire pour entrer en Tunisie; et ce, pour bloquer la procédure d’OQTF », ajoute Libé.
Les autorités tunisiennes dans l’embarras
Toujours selon Libération, « les autorités tunisiennes sont tiraillées. Les dirigeants ont affiché leur solidarité envers la France après l’attentat commis par l’un de leurs concitoyens; les poussant à accélérer la résolution de ces dossiers. Mais, dans le même temps, une frange de l’opinion publique est défavorable aux retours de ces personnes considérées comme dangereuses. Car les conditions de surveillance ne seraient pas optimales ».
Par ailleurs, « l’autre source d’embarras pour Tunis vient, cette fois, de la France et plus particulièrement d’Emmanuel Macron. Le discours du chef de l’Etat français à la Sorbonne, le 21 octobre lors de l’hommage à Samuel Paty, dans lequel il affirmait, « nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins», est mal passé parmi la population. Si les Tunisiens ne sont pas les plus virulents– les marques tricolores n’ont pas constaté pour le moment d’effet lié à l’appel au boycott des produits français–, les pouvoirs publics ne veulent pas attiser la colère; et ce, en s’alignant trop parfaitement sur les exigences françaises ». C’est ce qu’on peut encore lire sur les pages du quotidien parisien.