La victoire de Joe Biden sur Donald Trump ouvre-t-elle une nouvelle ère sur la scène internationale? Il est clair que la personnalité du démocrate annonce un changement de ton et de style dans la diplomatie américaine. Des actes forts sont également annoncés d’emblée: la réintégration des Etats-Unis à l’OMS et l’Accord de Paris sur le climat.
Il n’empêche, il serait naïf de penser que la défaite de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine ne marque pas la fin du trumpisme en matière internationale. Une forme de continuité s’inscrit dans un temps long. C’est ce temps long qui tend à interroger. En effet, Trump est-il le pire président américain de l’histoire contemporaine? Pas sûr…
De Trump à Biden : « America First »
Car, la victoire de Joe Biden se traduira par un refroidissement des relations bilatérales avec la Russie. Mais aussi, un apaisement des relations transatlantiques avec l’Europe. Et une réintégration des Etats-Unis dans une série de cadres ou d’instruments intergouvernementaux; tels que l’OMC ou l’Accord de Paris. Cela présage-t-il un retour en force du multilatéralisme? Pas si sûr…
Puisque le protectionnisme et l’isolationnisme, deux lignes conductrices de l’Administration Trump, ne sont pas près d’être rayés de l’agenda diplomatique américain. Ils font même quasi-consensus désormais sur l’échiquier politique américain.
Ainsi, non seulement le nationalisme demeure en vogue sur la scène internationale (de la Russie à la Turquie en passant par Israël, la Hongrie, etc.). Mais Joe Biden n’est pas prêt à renier le slogan qui a dicté la politique étrangère de l’administration Trump: « America First ».
Alors, c’est dans cette perspective que Joe Biden est appelé à s’inscrire dans les pas de ses deux prédécesseurs, Barack Obama et Donald Trump. A savoir: se désengager de la fonction militaro-symbolique de « gendarme du monde »; pour mieux se concentrer sur la bataille économico-technologique contre la Chine. C’est sur ce plan que se joue le leadership mondial du XXIe siècle.
Bush pire que Trump
Par ailleurs, Donald Trump incarnerait « la pire présidence de l’histoire américaine ». Pourtant, son prédécesseur républicain, G.W. Bush, est à l’origine de l’invasion de l’Irak en 2003. Un acte de guerre qui a causé des centaines de milliers de morts; et la naissance d’une créature djihadiste: Daech. Une guerre illégale et immorale qui continue d’être une source d’instabilité de l’ordre régional et international.
Outre la violation manifeste du droit international par la première puissance mondiale, cette guerre a revêtu des dimensions symbolique et idéologique particulièrement prégnantes. Elle ne saurait être expliquée par les seuls préceptes de la realpolitik. Résultante directe de représentations culturelles biaisées, cette expédition est venue nourrir les fantasmes et attiser les flammes du « choc des civilisations ».
Pour mémoire, l’invasion fut préparée par une campagne de propagande tous azimuts et par une série de mensonges éhontés. Tels que: l’existence d’armes de destruction massive; les relations entre Saddam Hussein et Al-Qaeda; l’uranium yellowcake acheté par Saddam au Niger; la menace imminente contre les Etats-Unis…
Pis, certains tentèrent de la justifier par des constructions intellectuelles fallacieuses et fondées sur une contradiction ontologique; comme: la démocratie par la force, la démocratie par l’ingérence.
En ce sens, la force d’attraction des gisements pétroliers irakiens ne saurait masquer la nature foncièrement idéologique de cette guerre. Le recours à la force brute traduisait l’emprise des néoconservateurs sur l’administration Bush-Cheney et l’adhésion de Tony Blair à leurs préceptes.
Daech: émanation de la Machtpolitik américaine
D’ailleurs, dans un contexte post-11 Septembre, propice au réflexe vengeur et à la rhétorique manichéenne du « bien contre le mal », le président américain comme le Premier ministre britannique se sont laissés entraîner par une poignée d’idéologues dans une aventure on ne peut plus hasardeuse. Aussi simpliste que dangereuse, leur vision du monde reposait sur la Machtpolitik, la violence et la coercition.
A cet égard, cette politique de puissance se paraît des atours de l’interventionnisme humanitaire. Et elle prétendait vouloir exporter la démocratie, comme s’il s’agissait d’un vulgaire produit de consommation courante…
Puis, le retrait des troupes américaines fin 2011 a laissé un Etat fragilisé et une société meurtrie, toujours en proie à l’insécurité. Une société dont la double fracture ethnique et confessionnelle a contaminé le système politique et institutionnel. Exacerbant les tensions entre sunnites et chiites et entre Arabes et Kurdes… Tensions qui ont fait naître Daech.
Ruse de l’histoire, cette guerre justifiée par la guerre globale contre le terrorisme » faisait naître un nouveau foyer du terrorisme international.