Cela n’est plus un secret. Les pays de l’Afrique du Nord, l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, sont soumis à une rareté chronique de l’eau.
En matière de la comptabilité de l’eau, nous parlons de rareté quand un déséquilibre entre l’offre et la demande de l’eau est établi. Cette notion de rareté de l’eau présente plusieurs dimensions. Dans le cas d’une rareté physique d’eau, il s’agit d’insuffisance de volumes d’eau douce, de qualité acceptable, par rapport à la demande.
On parle aussi de rareté par rapport à l’accès aux services de l’eau, en raison de l’échec des institutions en place à assurer un approvisionnement fiable aux utilisateurs.
La rareté est aussi due au manque d’infrastructures adéquates, en raisons des contraintes budgétaires et ce, indépendamment du niveau des ressources en eau.
D’autres facteurs contribuent à l’exacerbation de la rareté de l’eau à savoir les changements climatiques qui réduisent les apports en eau (pluie) ainsi que le développement économique et/ou la croissance démographique qui accroissent la demande en eau.
L’eau est une ressource rare en Afrique du Nord
Il est à noter que les pays de l’Afrique du Nord sont à différent degré de stress hydrique et d’exploitation des ressources en eaux (Aquastat 2017).
En Libye, par exemple, la disponibilité en eau renouvelable est de 109.8 m3/hab/an. L’exploitation atteint 817% des ressources renouvelables. Ce sont essentiellement des nappes non renouvelables qui soutiennent les besoins en eau du pays.
L’Algérie, quant à elle, bénéficie de 282.4m3/hab/an et le taux d’exploitation atteint 138% de la ressource en eau renouvelable.
En Tunisie, les ressources en eau renouvelable permettent de couvrir 400m3/hab/an. Ces ressources subissent une surexploitation qui s’élève à 121%.
De son côté, le Maroc dispose de 811 m3/hab/an de ressources en eau renouvelable qui est exploité à près de 51%.
Enfin, La Mauritanie dispose de 1579 m3/hab/an grâce aux volumes d’eau apporté par le fleuve Sénégal. Néanmoins, ces chiffres masquent, les disparités locales liée à la variabilité hydroclimatique.
Comptabilité et audit
Les stratégies pour faire face à la rareté de l’eau doivent être basées sur une compréhension approfondie du bilan hydrique, y compris l’offre et la demande d’eau et ses dimensions spatiales et temporelles.
Dans un tel contexte, la comptabilité et l’audit de l’eau est une composante vitale dans le processus de planification et d’allocation d’eau pour une bonne gestion des ressources en eaux.
L’objectif de la comptabilité et de l’Audit de l’eau est de faire un meilleur usage des informations relatives à l’eau dans la mise en œuvre des stratégies d’adaptation aux différents contextes biophysiques et sociétaux.
La comptabilité de l’eau est l’étude systématique du statut et des tendances de l’approvisionnement, de la demande, de l’accessibilité et de l’utilisation de l’eau dans des domaines spatiaux et temporels spécifiques.
Le concept de la comptabilité de l’eau se fonde sur l’argument que la connaissance de l’état actuel des ressources en eau et des tendances en matière de demande et d’utilisation est une condition préalable à une gestion réussie de l’eau.
L’audit de l’eau va plus loin que la comptabilité de l’eau en plaçant les tendances de l’offre, de la demande, de l’accessibilité et de l’utilisation de l’eau dans le contexte plus large de la gouvernance, des institutions, des dépenses publiques et privées, de la législation et plus largement des politiques d’économie d’eau dans des secteurs spécifiques.
Le « Recueil de comptabilité et d’audit de l’eau », publié en 2020 par la FAO introduit les concepts de la comptabilité et de l’audit de l’eau. Il fournit des conseils pratiques pour sa planification et sa mise en œuvre.
Ce recueil est basé sur l’expérience acquise à travers des applications diverses dans différentes parties du monde, notamment en Australie où l’initiative Nationale sur l’Eau (NWI) s’appuie sur la comptabilité et l’audit de l’eau pour fixer le volume d’extraction autorisé et gérer les droits d’eau.
En Ethiopie, sur le bassin du fleuve Awash et en Afghanistan sur le bassin de la rivière Helmand, la comptabilité de l’eau basée sur la télédétection (WA+) a permis d’évaluer la consommation d’eau (bénéfique ou non) et la productivité de l’eau utilisée pour les cultures dans les différentes catégories d’utilisation des terres.
Vers l’institutionnalisation de la comptabilité de l’eau en Afrique du Nord
A travers le projet régional sur « l’amélioration de la Productivité, l’efficacité et la durabilité de l’eau », la FAO avec la contribution financière de la coopération suédoise, appui huit pays de l’Afrique du Nord et du Proche Orient.
La comptabilité de l’eau est une composante majeure de ce projet qui a permis de conduire des exercices rapides de comptabilité de l’eau, de renforcer les capacités techniques et opérationnelles dans les pays, de favoriser les échanges entre les pays et d’établir des partenariats clés avec des acteurs de premier plan dans le domaine de la comptabilité et de l’audit de l’eau pour faciliter le transfert de compétence et de savoir-faire.
La comptabilité rapide a été conduite sur la plaine de Berrechid au Maroc, sur un sous-bassin versant du barrage de Bouhertma à Jendouba en Tunisie ainsi que sur le périmètre irrigué de Mitidja Est Hamiz en Algérie.
Ces exercices ont permis d’identifier les flux d’eau récupérables qui représentent une économie d’eau potentielle. Le besoin pour un système de suivi et d’évaluation de l’utilisation des ressources en eau a aussi émergé de ces travaux.
De plus, la FAO accompagne la Tunisie à développer la comptabilité de l’eau du Bassin de la Medjerda. Ce bassin est un système hydrologique stratégique et à institutionnaliser la comptabilité et l’audit de l’eau au sein des structures existantes.