Le dernier clash entre Noureddine Bhiri et Abdellatif Mekki, deux dirigeants d’Ennahdha de premier plan, met à jour les divisions profondes. Elles secouent le parti islamiste de Rached Ghannouchi.
Jadis étouffées sous une chape de plomb, discipline et culture du secret obligent, les divisions internes au sein du parti islamiste d’Ennahdha sont désormais publiques et se traitent même sur les réseaux sociaux.
Divisions insurmontables
Car, ce n’est plus un secret pour personne que le torchon brûle entre les adeptes du cheikh de Montplaisir et les frondeurs. Ceux qui revendiquent un semblant d’une alternance démocratique en s’opposant ouvertement à un nouveau mandat de Rached Ghannouchi à la tête du parti. Et ceux qui arguent que le leader historique d’Ennahdha a encore un rôle à jouer en raison de son aura sur la scène nationale et internationale. Quitte à tordre le coup au règlement interne du parti, notamment le fameux article 31.
Et c’est dans ce contexte de guerre froide qu’il faut placer l’attaque en règle perpétrée par Noureddine Bhiri, député d’Ennahdha et soutien inconditionnel de Ghannouchi, contre Abdelatif Mekki, le chef du fil du groupe des 100. Et ce, sur la gestion de la crise sanitaire par ce dernier lors qu’il était à la tête du ministère de la Santé.
Une flèche empoisonnée
« Tout en acceptant la volonté d’Allah, le décès de mon ami et frère le militant Lotfi Chamekh m’a incité à m’interroger. Lorsque les décès quotidiens de nos amis ou proches nous accablent, jusqu’à ce que les cimetières soient saturés. Et quand le nombre des contaminés par le coronavirus atteint des milliers de personnes à cause de l’ouverture de nos frontières; nous sommes en droit de demander des comptes au sujet de la réouverture des frontières sans la présentation d’un test PCR négatif, sans un confinement obligatoire et sans changer le classement épidémiologique de certains pays du rouge au vert ». Ainsi, s’est écrié l’ancien président du bloc d’Ennahdha à l’ARP.
Et d’envoyer à son « frère » une flèche empoisonnée: « Qu’en est-il de la position du frère Abdelatif Mekki, alors ministre de la Santé, qui, pourtant, défendait les recommandations de la Commission de lutte contre la maladie. Une position ayant eu pour conséquences des milliers de morts et de contaminations ». Ecrivait-il encore sur sa page Facebook.
Il convient de souligner à cet égard que ces accusations d’une rare violence portées par l’homme de l’ombre de Ghannouchi à l’égard de son « frère », admirez la nuances, sont des signes qui ne trompent pas sur la crise profonde qui secoue le parti islamiste.
Une crise ravivée par le report sine die du 11ème congrès électif « en raison du contexte sanitaire », un motif loin d’être convainquant.
L’origine du mal
En effet, à l’issue de la tenue houleuse du Conseil de la Choura le dimanche dernier, le Mouvement avait reconnu le retrait de 24 membres sur 111 participants, réunion qui se tenait par visioconférence, dont Samir Dilou et Abdelatif Mekki.
Motif? Les personnes qui se sont retirées de la réunion, d’autres sources concordantes évoquent une soixantaine, protestaient contre la modification de l’ordre du jour de cette 44e session.
Car, au lieu d’évoquer la situation sanitaire du pays, le projet de loi de finances complémentaire 2020, ainsi que le PLF de l’exercice 2021, la réunion se serait focalisée sur les sanctions. Celles-ci seraient décidées à l’encontre du « groupe des cent »; notamment ceux qui ont fait des déclarations à la presse.
Alors, Ennahdha connaîtra-t-elle le sort de Nidaa Tounes à cause de l’entêtement de son chef scotché à son fauteuil douillet de Montplaisir? Et qui ne semble pas avoir tiré les leçons du syndrome de la présidence à vie. Avec les conséquences que l’on sait.