L’affaire de l’importation de déchets d’Italie a déclenché un scandale en Tunisie. Elle a conduit jusqu’ici au limogeage du directeur général de l’ANGED. Cette affaire est portée devant le pôle judiciaire pour acte de terrorisme par le réseau Tunisie verte. Notons aussi qu’une plainte pour terrorisme a été portée devant le pôle judiciaire par un collectif d’ONG tunisiennes.
L’importation de déchets n’est pas autorisée par la loi tunisienne. Le droit tunisien encadre clairement le domaine de l’élimination des déchets. Et ce, conformément à la Constitution, aux accords internationaux ratifiés par la Tunisie et aux textes législatifs et réglementaires édictés à cet effet; notamment la loi-cadre n° 1996-41 du 10 juin 1996. Celle-ci est relative aux déchets et au suivi de leur élimination et leur enlèvement. Ainsi, il est strictement interdit d’importer des déchets dangereux en Tunisie.
Le réseau d’ONG tunisiennes organise lundi 23 novembre une conférence de presse. Objectif: revenir sur cette affaire et son impact sur les Tunisiens.
L’importation des déchets non dangereux est, également, régie par des textes législatifs et réglementaires. Il s’agit, principalement, de la loi n° 41 de 1996 du 10 juin 1996 relative aux déchets et au contrôle de l’élimination. Cette loi présente le cadre général. Elle définit les méthodes et les conditions d’élimination des déchets de toutes sortes en Tunisie.
L’article 45 de la loi n° 96-41 du 10 juin 1996, relative aux déchets et au contrôle de leur gestion et de leur élimination, précise que : « Si des déchets ont été importés ou exportés d’une manière contraire aux dispositions de la présente loi ou aux règlements spéciaux visés dans l’article précédent, les autorités compétentes enjoignent à leur détenteur, leur transporteur ou leur producteur de les renvoyer au pays d’origine dans un délai qu’elle lui impartit. Si le contrevenant n’exécute pas, les autorités compétentes peuvent prendre toutes les mesures nécessaires. Et ce, pour assurer le renvoi de ces déchets aux frais des participants à l’opération’’.
Défaillance institutionnelle
Le rôle du ministère des Affaires locales et de l’Environnement dans cette affaire est très important et même décisif. Par exemple, l’ANPE a, d’après sa loi constitutive de 1988, un rôle de réduction des sources de pollution et de protection de l’environnement naturel et de la santé publique.
L’agence exerce ainsi ses missions tant sur le plan préventif que curatif. En ce qui concerne la prévention, le domaine d’intervention le plus important de l’agence est l’évaluation des études d’impact environnemental des projets soumis à son avis. Une fois les études d’impact approuvées, l’ANPE assure un rôle de contrôle du suivi de telles activités autorisées.
Quant à l’ANGED, son rôle consiste à approuver les cahiers des charges des conditions d’élimination des déchets non dangereux au niveau de la collecte, du stockage et de la valorisation de tous types de déchets. L’ANGED doit inspecter régulièrement le site autorisé et faire des contrôles continus. Cela a clairement manqué dans cette affaire.
Or, cette affaire met en relief plusieurs défaillances au niveau institutionnel. Elle montre aussi un manque de gouvernance au niveau de la collaboration et de la communication entre les différentes autorités et agences qui sont sous la tutelle du Ministère des Affaires locales et de l’Environnement.
En effet, l’ANGED aurait dû contrôler l’infrastructure de recyclage disponible de cette société selon l’activité mentionnée dans le dossier présenté par l’entreprise. Elle aurait dû coopérer avec les autorités douanières pour empêcher la sortie des 70 premiers conteneurs (09 juin 2020) avant terme.
De même, le Centre international des technologies de l’environnement (CITET) aurait dû prendre un échantillon représentatif de tous les conteneurs des déchets importés.
Terre souillée et sécurité menacée!
S’agissant des conséquences de cette affaire, elles concernent d’abord la Tunisie et les Tunisiens, dont le territoire est souillé par les déchets qui ont pu dépasser le port, enfouis on ne sait où et comment, mettant en péril la sécurité de la population tunisienne et sa santé. Alors qu’il faut éviter que de nouvelles quantités de déchets viennent s’ajouter au pic de pollution que le pays connaît et qui s’est amplifié depuis 2011.
Les institutions environnementales se trouvent déjà dans l’incapacité d’agir
Pour le collectif d’ONG tunisiennes, avec cet acte scandaleux, le mythe du développement durable se confirme en Tunisie. Les limites de sa vision de la durabilité se dévoilent. De telles affaires ne peuvent qu’accentuer le manque de confiance entre le citoyen et l’administration. Cela augmente également l’angoisse des citoyens quant à l’avenir de leur pays.
En effet, les institutions de tutelle en charge de la protection de l’environnement tunisien n’étaient pas avisées de la catastrophe. « Si la signature des contrats de la société privée importatrice a été faite sous leur protection. Elle ne ferait en effet qu’augmenter le fossé du manque de confiance du citoyen envers l’administration ». C’est ce qu’estime encore le réseau.
Au-delà de ce premier impact, ce scandale interpelle les relations bilatérales de la Tunisie avec l’Italie et avec l’UE. L’Accord d’Association signé depuis 1995 établit les règles de « la coopération entre les parties. Il vise, entre autres, la prévention de la dégradation de l’environnement et l’amélioration de sa qualité, la protection de la santé des personnes et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles en vue d’assurer un développement durable ».
Positions de la société civile
A cet égard, le réseau de la Tunisie Verte a exprimé son indignation face à ce scandale et face à la criminalité de cet acte. Il menace gravement le territoire tunisien et sa sécurité. Il met à mal la santé de ses habitants et son environnement.
En outre, ce réseau s’est indigné également, des carences, du manque de transparence, des ambiguïtés et du laxisme de l’Etat. Ainsi, la protection de l’environnement, la santé des citoyens et leur droit de vivre ne se réalise pas dans un environnement sain comme le dispose la Constitution tunisienne de 2014.
Idem pour d’autres organismes de la société civile, notamment le Forum tunisien pour les droits économique et sociaux. En effet, le FTDES demande, depuis le 4 novembre, d’obliger l’exportateur italien à reprendre les déchets. De son côté, la Fédération nationale des communes tunisiennes a estimé que l’importation des déchets italiens constitue une catastrophe écologique. Elle appelle à revoir le cadre juridique, notamment la loi n° 41 de 1996. Car, « cette loi encourage l’impunité. Elle est favorable aux lobbies de corruption », s’indigne-t-elle.
Avec TAP