Retour à la case départ, pour le projet de Loi de finances complémentaire (LFC) 2020. Et ce, après que la Banque centrale de Tunisie (BCT) conditionne l’octroi des fonds nécessaires pour combler le déficit budgétaire de l’État. Et ce, à l’obtention d’une autorisation législative exceptionnelle délivrée par l’ARP.
Ainsi, concernant le projet de Loi de finances complémentaire 2020, « il semble que l’intervention de la BCT demeure toujours nécessaire. Ce qui impose de trouver une couverture légale à cette intervention ». C’est ce que fait savoir le gouverneur de l’institut d’émission, Marouen Abbasi. Il s’exprimait dans une correspondance adressée, vendredi, au président de l’ARP. Soit deux jours après l’adoption de la nouvelle version du projet de la LFC par la commission des finances, de la planification et de développement (avec 11 voix pour et une contre).
Tout d’abord, rappelons que le gouvernement retirait, le 30 octobre 2020, la première version du PLFC 2020, pour révision; et ce, à la demande de la commission des finances. Puis, la nouvelle version dudit projet était soumise le 13 novembre à l’assemblée.
Ensuite, M. Abassi apportait des précisions dans sa correspondance à l’ARP, en date du 18 novembre 2020. Il y indique que bien que les amendements inclus dans la nouvelle version du PLFC aient permis de réduire le volume des emprunts internes; la mobilisation des ressources estimées, reste conditionnée par la capacité du système bancaire à injecter ces sommes. Et ce, sans toucher aux équilibres macroéconomiques.
En contradiction avec la politique monétaire
De ce fait, réitère que la BCT tient à soutenir le gouvernement pour faire face aux répercussions sans précédent de la pandémie de la Covid-19. Cependant, le gouverneur estime que le financement du déficit budgétaire par l’achat de bons du Trésor assimilables (BTA), à long terme, dans le cadre des opérations du marché ouvert, sera en contradiction avec le cadre opérationnel et stratégique de la politique monétaire.
En somme, « ces opérations relatives à l’achat de BTA à long terme, s’inscrivent dans le cadre de la réalisation des objectifs de la politique monétaire et le rétablissement des équilibres sur le marché monétaire. Avec l’achat de ces BTA, le montant dû à la BCT, dans le cadre du marché ouvert, passera à 6,4 milliards de dinars. Et ce, contre 3,6 milliards de dinars, actuellement. Ce qui représente plus de 60% de l’ensemble des opérations de la politique monétaire et 18% du budget de la banque centrale. Limitant, ainsi, l’efficacité de la politique monétaire, en termes de maintien de la stabilité des prix. »
D’ailleurs, notons que la Loi n°35 du 25 avril 2016, fixant le statut de la Banque centrale de Tunisie, interdit le financement direct du trésor par la BCT. M. Abassi conclut que le financement du déficit budgétaire nécessite, dans tous les cas, une autorisation législative spéciale et exceptionnelle de la part de l’ARP. Et ce, afin que son intervention s’adapte à son cadre législatif et aux principes de la bonne gouvernance.
Il a aussi, insisté sur l’aspect exceptionnel de cette autorisation. Etant donné que le financement direct et continu du Trésor par la Banque pour combler le déficit budgétaire est de nature à écorcher l’image du pays auprès des institutions financières, des agences de notation et des investisseurs.
« La BCT refuse de financer le déficit du budget complémentaire pour 2020 »
Par ailleurs, le président de la commission parlementaire des finances, de la planification et du développement, Haykel Makki, a affirmé que « la BCT refuse de financer le déficit du budget complémentaire pour 2020; sans une autorisation explicite, à travers un texte de loi émanant du parlement ».
Et d’ajouter que « la commission des finances a adopté le PLFC 2020. Et ce, en se basant sur les déclarations du ministre des Finances, Ali Kooli. Lequel a affirmé être parvenu à un accord avec la BCT pour financer le déficit budgétaire ».
En outre, M. Makki a critiqué ce qu’il a qualifié de « tromperie » de la part du gouvernement. Il a considéré que « le gouvernement de Mechichi ne s’est pas accordé avec la BCT, concernant le financement du budget ».
M. Makki a, en outre, estimé que le parlement se trouve ainsi, dans une situation embarrassante qui le pousse à donner à la BCT, l’autorisation qu’elle demande. Tout en assumant les répercussions de ce pas sur la parité du dinar et l’évolution de l’inflation. Alors que « le gouvernement est le seul responsable du budget. Et qu’il doit de ce fait, trouver des solutions ».
Sachant que le bloc parlementaire démocratique soumettait, le 3 novembre 2020, une initiative législative d’amendement de l’article 25, de la Loi n°2016-35 du 25 avril 2016, portant fixation du statut de la Banque centrale de Tunisie. Et ce, afin d’autoriser la BCT à financer le budget à un taux déterminé et limité dans la durée.
De plus, le bloc a demandé d’accélérer l’examen de cette proposition. La justifiant par la crise économique et sociale grandissante que traverse le pays. Mais aussi par le grand volume d’endettement inscrit dans le cadre des projets de LFC 2020 et de LF 2021.
Emettre une initiative législative
Commentant cette initiative, l’universitaire et économiste Ridha Chkondali estime qu’il est nécessaire pour le gouvernement ou les partis qui le soutiennent, d’émettre une initiative législative pour amender l’article 25 du statut de la BCT pour l’autoriser à prêter à l’Etat et débloquer ainsi la situation.
Cependant, le gouvernement et l’ARP n’ont jusque-là pas réagi à la demande de la BCT de lui accorder une autorisation exceptionnelle pour financer le déficit du budget 2020.
Certains députés ont toutefois, réagi sur les réseaux sociaux. Ils ont exprimé leurs craintes quant à un éventuel retard de l’adoption du PLFC 2020. Ce retard aurait un impact sur les autres engagements parlementaires. Et ce, à l’instar de la discussion du PLF 2021.
Notons que la semaine prochaine sera, en tout cas, décisive en ce qui concerne les relations entre les autorités politiques et monétaires du pays. Et ce, à l’approche aussi de la fin des 100 premiers jours du gouvernement Mechichi.
Avec TAP